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Allocution de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine, A l’occasion du Forum International de Dakar sur la Paix et la Securité en Afrique

Allocution de S.E. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine, A l’occasion du Forum International de Dakar sur la Paix et la Securité en Afrique

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December 06, 2021

Excellence Mr Macky Sall, président du Sénégal, Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Distingués Invités,
Mesdames Messieurs,

J’éprouve toujours un immense plaisir quand je foule le sol et hume l’air du Sénégal, ce pays ou l’hospitalité a donné son nom légendaire à cette terre bénie par ses hommes, sa démocratie, son harmonie communautaire et sa stabilité. Tout en lui indique qu’il est l’aire idéale pour abriter un Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique, devenu au fil des années ce bel espace d’échange sur les problématiques que soulève ses thématiques.

Je renouvelle ici mes félicitations et appréciations à ses initiateurs et je remercie vivement le Gouvernement du sénégalai, le Président Macky Sall en particulier, de nous y avoir invités et bien accueillis.

J’émets le souhait ardent que les échanges entre les éminentes personnalités venues de divers horizons intellectuels, disciplines scientifiques et expériences vécues, sortent de cette septième édition du forum avec un arsenal innovant et performant adapté aux nouveaux besoins et exigences qu’appellent les circonstances actuelles.

Mesdames, Messieurs,

En terme de paix et de sécurité, l’heure en Afrique est grave, très grave. De la Libye aux jeux de pouvoir exacerbés, au Mozambique aux confins de l’Afrique australe, des deux

extrêmes de l’Afrique centrale, le Bassin du lac Tchad et l’Est de la République Démocratique du Congo, en passant par la RCA, en sempiternelle tension et se projetant au Benin et, au delà, en Ouganda, de la région du Sahel à l’Éthiopie et la Somalie dans la Corne de l’Afrique, au Soudan et Soudan du Sud, l’Afrique n’a jamais été aussi fortement menacée par le terrorisme et l’instabilité.

Le cancer terroriste en pleine métastase, tue presque quotidiennement des dizaines d’africains; il détruit des centres hospitaliers, brûle des écoles et prive ainsi des milliers d’enfants des rares chances d’apprendre à lire et à écrire.

Aux conditions insupportables ainsi créées, se sont ajoutées des crises politiques violentes ou latentes générées par les changements anticonstitutionnels et la mauvaise gouvernance, la mauvaise gestion, le gaspillage des ressources, la corruption, la concussion et le népotisme, qui font le lit de l’insécurité, de l’instabilité, de la désespérance et de la perte dramatique des repères vertueux.

Devant les pesanteurs de tels fléaux, les États s’affaissent et certains sont menacés d’effondrement. Les conflits communautaires et les tendances irrédentistes et autres réflexes séparatistes s’exacerbent, les désordres politiques et sociaux frappent aux portes.

L’ère démocratique ouverte au début des années 90 avait réveillé d’immenses espoirs d’une modernité institutionnelle et des lendemains économiques et sociaux enchantés . Trente ans après les résultats sont très mitigés. Un peu plus tard, l’UA adopte la charte africaine sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance, et sa boussole doctrinale

l’agenda 2063, le tout complété, ici et la, par des blocs d’arsenaux institutionnelles et juridiques.

Pourtant le tableau brosse sitôt est et demeure implacable. Sommes nous trompés de système de gouvernement? Avons - nous pèché par mimétisme facile? Qu’avons nous fait pour que nous soyons aujourd’hui le continent où le terrorisme s’étend et où les changements non constitutionnels se multiplient, presque sans coup ferir?

Il est temps, grand temps, de se poser la question simple mais fatale. Pourquoi, en sommes - nous arrivés la?

Je sais, pour le vivre au quotidien depuis plusieurs années , que l’Afrique a réalisé de belles choses en terme de recherche d’intégration et de positionnement international . Elle a fait preuve, aux heures graves de la pandémie de la Covid, de vertus de résilience remarquable.

En terme cependant de résistance au terrorisme et aux reculs de notre modernité démocratique, nous ne pouvons eviter
le lancinant questionnement.

A l’évidence, une première réponse doit être recherchée en nous mêmes, dans le déficit de solidarité africaine.

Dans la plupart des cas, les États africains regardent la scène s’il n’y détournent le régard, et comptent les points, sans plus. Pourtant les besoins des victimes du trrrorisme sont, à vrai dire, tout à fait à la portée de certains États africains relativement nantis. Lorsque cette solidarité s’est manifestée à travers l’intervention du Tchad en faveur du Mali et de ses voisins du Lac Tchad, du Rwanda en faveur de la RCA et du Mozambique, ou de la SADC en faveur de la Mozambique,

tout le monde a vu la différence. L’appui financier accordé au G5 par le Rwanda, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la CEDEAO et l’UMOA était un bel exemple digne d’être suivi.

Cette expérience limitée montre que la solidarité africaine dans la lutte pour la paix et la sécurité est possible et qu’elle peut être prompte et efficace puisqu’ émancipée des lourdeurs bureaucratiques paralysantes. Un élan de solidarité continental au minima aurait était décisif dans le combat.

Il en est ainsi des changements non constitutionnels proscrits par nos principes fondateurs, l’Acte constitutif, la déclaration de Lomé et la charte africaine pour la démocratie, le élections et la gouvernance. Pourtant le dogme d’un souverainisme de mauvais aloi paralyse l’action des communautés économiques régionales et l’organisation continentale dans leur capacité d’alerte précoce et leurs velléités de résistance à de tels changements anachroniques. Notre projet phare, faire taire les armes, voit ainsi son horizon repoussé de décennie en décennie.

La communauté internationale, ne saurait non plus être fière de son action en matière de lutte contre le terrorisme en Afrique. Cette responsabilité apparaît au travers de son entêtement à continuer d’appliquer un modèle de maintien de la paix devenu carrément obsolète.

En excluant de sa doctrine l’imposition de la paix et en souscrivant ses déploiements militaires dans une conception statique et défensive et non dans une logique dynamique et offensive, ses missions aux coûts dispendieux sont presque vouées davantage à leur propre sécurité qu’à celle des citoyens des pays de leur déploiement.

La politique de double standard suivie par certains segments de la communauté internationale ne facilite pas les choses, non plus. Comment accepter le déni de l’universalisme du combat contre le terrorisme? La responsabilité du Conseil de Sécurité dans la paix est une et indivisible.

Le terrorisme en Syrie et en Irak serait-il digne d’être combattu et vaincu alors que le terrorisme au Sahel et ailleurs en Afrique ne le serait pas? Pourquoi la force de défense commune mise sur pied par les pays du G5, l’Amisom en Somalie et la Force Mixte Multi- Nationales du Lac Tchad peinent-elles et s’echinent- elles à rassembler le minimum de ressources leur permettant d’accomplir, au prix des vies des hommes et des femmes africaines qui s’y mobilisent, leur difficile mission d’imposition et de maintien de la paix?

Au delà des indéniables responsabilités de la communauté internationale dans le maintien d’un modèle condamné par son obsolescence, les divisions et rivalités des grandes puissances rendent vains nos efforts de résistance aux changements non constitutionnels puisqu’il se trouvera toujours telle ou telle puissance prête à composer avec des dirigeants, peu importe leur légitimité, pourvu qu’il se trouve telle ou telle autre puissance qui s’en démarque, voire s’y oppose. Triste réalité.

Cet État du monde complique immensément l’action continentale de résistance au terrorisme et aux changements anticonstitutionnels.

Il n’y a donc pour l’Afrique, pour sauver l’Afrique, que l’Afrique.

Aussi l’Afrique doit- elle, comme le réclament ses peuples, cesser d’être ce Continent d’éternel assisté pour s’élever au rang d’acteur à part entière dans la gouvernance mondiale.

Seuls une réelle volonté politique de ses dirigeants, un refus catégorique de la fatalité, un sens élevé du sacrifice, un gout partagé pour l’effort et la créativité, la hisseront au rang des régions fières et conquérantes.

Bien sûr , l’Afrique dans ce combat pour la paix a besoin de la solidarité de ses partenaires. Leur condamnation pour des raisons politiciennes et où démagogiques n’est pas crédible. Elle n’est pas constructive et ne devrait nullement décourager ceux parmi eux qui s’engagent vraiment à nos côtés dans ces moments difficiles.

Toutes les grandes nations se sont trouvées historiquement confrontées à des défis similaires. Avaient- elles le choix de leurs alliances? Cessons alors d’adopter des postures inutiles.

Oui, nous le disons haut et fort, nous avons besoin de l’autre mais l’autre ne sera jamais utile pour nous que si, à son tour, il se convainc que nous sommes bien un autre, un digne et authentique Autre.

Je vous remercie

 

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