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Discours de S.E. M. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine a l'Occasion des Assemblées Annuelles 2024 de la Banque Africaine de Développement

Discours de S.E. M. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l’Union Africaine a l'Occasion des Assemblées Annuelles 2024 de la Banque Africaine de Développement

May 27, 2024

Excellence Dr. William Samuel Ruto, Président de la République du Kenya, Excellences, Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Dr. Akinwumi A. Adesina, Président du Groupe de la Banque africaine de Développement,

Distingués représentants des institutions multilatérales financières africaines,

Mesdames et Messieurs,

C’est avec un réel plaisir que je m’adresse à cette auguste assemblée, réunie à l’occasion des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement.

Je voudrais saisir cette opportunité pour exprimer mes sincères remerciements au Président Dr Samuel Ruto, au gouvernement et au peuple kenyans pour l’accueil fraternel et chaleureux qui m’a été réservé dans cette belle et luxuriante ville de Nairobi qui m’y a chaleureusement habitué. Depuis bien longtemps maintenant, Nairobi se façonne une nouvelle identité : celle d’accueillir les conférences où se discutent les principaux enjeux de l’avenir de notre continent. L’Union africaine vous en sait gré.

L’expression de mes sincères remerciements au Président de la Banque africaine de Développement, mon frère et ami le Docteur Adesina, connu pour son attachement passionné à toutes les causes qui engagent l’avenir de l’Afrique. Monsieur le Président, merci d’avoir bien voulu associer l’Union africaine à cette importante rencontre.

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Cette rencontre se tient dans un contexte marqué par un enchevêtrement de crises géopolitiques et économiques, aggravées par ailleurs par les effets de la pandémie de la COVID 19 dont la rémanence est loin d’avoir encouragé la stabilité sociale et politique de nos États membres en dépit d’une résilience africaine à la catastrophe mondiale. Pour y faire face, tous nos États membres ont été pris dans l’engrenage d’un endettement toujours pernicieux qui les maintient sous le joug de créanciers aux exigences étouffantes malgré les nombreuses promesses d’allègement de ce fardeau.

Ce recours excessif à l’endettement, bien qu’il puisse être expliqué par un ensemble de facteurs endogènes, est également imputable à un modèle de financement extérieur combinant l’aide au développement, l’allègement du fardeau de la dette, les promesses du financement vert et l’attractivité des pays africains pour les IDE.

Ce modèle, explicité dans la Déclaration d’Addis Abeba sur le financement du développement de 2015, a été, par la suite, relayé par des rencontres similaires, à l’instar de celle Paris de 2021.

Les limites de ce modèle ont été établies sur la base des données objectives. Je répugne les ressasser. Je me limiterai à une ou deux brèves remarques qui me paraissent dignes d’être mentionnées. En effet, les apports de financement extérieurs dans la gestion du développement de l’Afrique ont été très loin des attentes, traduisant ainsi une injustice, encore une autre, à l’égard de l’Afrique.

Cette injustice cumule plusieurs visages. Bien qu’elle ne soit pas responsable du réchauffement climatique, l’Afrique en subit des conséquences sans bénéficier de la solidarité financière consacrée dans les Déclarations successives des différentes conférences des Parties. La gestion du système financier international, en échappant totalement au contrôle de l'Afrique, lui impose des coûts de financement élevés en même temps que l’impact négatif des crises financières. Des disparités dans la réponse au choc du COVID 19 ont clairement indiqué que l’augmentation de la liquidité par la création des DTS n’a pas profité de façon significative à l’Afrique qui n’en a reçu que la portion congrue de 5,1% pour un milliard quatre cents millions d’habitants.

Alors que la recherche des moyens pour combler le déficit financier de l’Afrique s’est toujours opérée dans le cadre de cette architecture financière internationale dont les limites font aujourd’hui consensus au sein de la communauté des experts africains, voire au-delà le temps est venu de s’interroger concrètement sur l’identification non complaisante des différents ressorts qui handicapent la mobilisation d’un développement de l’Afrique.

C’est donc à point nommé que se tiennent ces assises, dont la tonalité innovatrice du thème, « Réformer l'architecture financière mondiale afin de libérer des financements pour le Kenya et pour l'Afrique en général » annonce une large réflexion embrassant dans la profondeur de son mouvement les principaux enjeux liés au financement du développement du continent.

Dans cette mouvance, la centralité du rôle du Groupe de la Banque africaine de développement n’échappe à personne. C’est donc une belle occasion pour le Groupe de faire le point de ses réalisations au cours des derniers dernières années afin de tracer une trajectoire viable pour le financement durable de nos économies confrontées à des goulots et contraintes multiformes.

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Il me parait plus qu’urgent de travailler à une réforme profonde de la gouvernance internationale afin de proposer et d’adopter des solutions pertinentes pour les pays confrontés aux problèmes de notation souveraine, de l’endettement excessif, des effets des changements climatiques, de l'évasion fiscale et des flux illicites, du renforcement des banques multilatérales et j’en passe.

Pour défendre l’intérêt de l’Afrique dans ces domaines, il me paraît logique d’inviter toutes les institutions financières africaines, ici présentes et même celles qui sont absentes, à accompagner l’Union dans ce mouvement de basculement des équilibres économiques et financiers mondiaux. Aussi voudrais-je me réjouir de la récente adhésion de l’Union africaine comme membre permanent du G20. Cette adhésion marque un tournant décisif et porte un nouvel espoir pour l’Afrique, celui de s’impliquer dans la dynamique du processus de la réforme de la gouvernance économique et financière mondiale.

Le G20 est le forum approprie pour nos institutions et nos pays pour initier effectivement, ensemble, le processus de formulation de positions africaines communes sur les questions stratégiques au cœur de la réforme du système financier mondial. Je pense notamment à l’épineuse question de la réforme des institutions de Bretton Woods, la réforme des mécanismes de gestion de la dette, du financement du changement climatique, et du système fiscal international, notamment au regard des développements en cours en vue de l’adoption d’une Convention Cadre des Nations unies sur la Coopération fiscale internationale.

Pour nous préparer à une éventuelle reconfiguration de l’architecture financière internationale, il nous revient d’accomplir sans retard nos propres réformes monétaire et financière. La mise en œuvre des institutions financières de l’Union africaine créées depuis longtemps a trop souffert de son report. La Banque centrale africaine, la Banque africaine d’investissement, le Fonds monétaire africain ainsi que la Bourse panafricaine des valeurs mobilières, c’est maintenant qu’il faut en adopter le plan concret de mise sur les rails.

Aussi, j’en appelle à une reconstitution ambitieuse des ressources du Fonds africain de développement. C’est un instrument offrant des financements concessionnels indispensables pour le financement de nos économies.

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Au cours des dernières années, le bilan de la Banque africaine de développement a attesté de sa ferme volonté d’accompagner l’Afrique dans la recherche des réponses à ses problèmes. A ce titre, à travers ses cinq priorités stratégiques, les « High Fives », elle a placé sur les rails la transformation structurelle des économies, posant les jalons de l’industrialisation et améliorant l’accès à l’électricité, à l’alimentation et aux infrastructures socio-économiques essentielles, autant de facteurs de consolidation de la productivité.

En améliorant les conditions favorables à l’innovation et à la recherche dans les

domaines clés de l’agriculture, de l’industrie et des services en vue de faciliter l’accès des économies nationales aux chaines de valeurs régionales et mondiales, la Banque a joué et continue de jouer un rôle majeur dans la facilitation du commerce et dans l’intégration intrarégionale et mondiale de telles économies.

Dans ce sillage, j’encourage vivement la Banque à intensifier son soutien à l’industrialisation de l’Afrique afin de réduire sa vulnérabilité aux chocs exogènes, à poursuivre ses efforts d’investissement dans les secteurs clés de la santé, de l’éducation, de l’innovation, de l’énergie, de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et des infrastructures durables, gages d’une transformation socioéconomique certaine. Pour sa part, la Commission de l’Union africaine s’est résolument inscrite dans un esprit de positive collaboration avec la BAD. Cette collaboration va se matérialiser, entre autres, par l’élaboration d’un cadre stratégique continental, conçu aux fins d’accompagner les États membres dans la mise en œuvre d’actions concrètes orientées vers une nette amélioration de la croissance dans les années à venir.

La Commission a également apporté son plein soutien à l'initiative conjointe de la Banque africaine de Développement et de la -Banque Interaméricaine de Développement visant l’accès aux capitaux hybrides déployés à partir de la mobilisation des DTS. Une telle mobilisation, équivalente à une source de financement complémentaire, réduira la dépendance aux emprunts traditionnels et potentiellement les coûts de financement.

Je m’en voudrais, au regard d’un bilan aussi reluisant et face à l’engagement personnel du Président de la BAD, ancré par ailleurs dans une vision prospective pertinente, de ne pas adresser, au nom de la Commission de l’Union africaine et au mien propre, des félicitations bien méritées au Dr. Adessina.

J’entretiens également l’inébranlable conviction que les archives de la Banque continueront de parler de son adhésion quasi fusionnelle au développement de notre continent aux Africaines et Africaines des générations futures. Avec cette pensée aux générations futures,

Je vous souhaite de fructueuses délibérations, pleins succès à vos assises et vous remercie de votre bienveillante attention.

 

 

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