Déclaration préliminaire: Mission d'observation de l'Union africaine aux elections législatives du 20 Décembre 2018 en République Togolaise
Déclaration préliminaire: Mission d'observation de l'Union africaine aux elections législatives du 20 Décembre 2018 en République Togolaise
INTRODUCTION
Dans le cadre des élections législatives du 20 Décembre 2018 en République Togolaise, le Président de la Commission de l’Union africaine (UA), Son Excellence Monsieur Moussa Faki Mahamat, a dépêché une Mission d’Observation Electorale aux fins d’observer et d’évaluer le processus électoral.
La Mission d’Observation Electorale de l’Union africaine (MOEUA) est conduite par Son Excellence MonsieurMATATA PONYO Mapon, ancien Premier Ministre de la République Démocratique du Congo. La Mission de 30 membres, arrivée à Lomé le 16 Décembre 2018, est composée d’Ambassadeurs accrédités auprès de la Commission de l’Union africaine (UA), de Parlementaires panafricains, de Responsables d’Institutions en charge des élections et de Membres d’Organisations de la Société civile africaine. Les observateurs viennent de 19 pays africains ci-après : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Ethiopie, Gabon, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Tunisie et Union des Comores.
L’évaluation de la Mission de l’Union africaine se fonde sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1976), la Déclaration des Principes pour l’Observation Internationale des Elections (ONU, 2005), la Déclaration de l’UA sur les Principes régissant les Elections Démocratiques en Afrique (2002), les Directives pour les Missions d’Observation et de Suivi des Elections de l’Union Africaine, la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance (2007) ; ainsi que le cadre juridique actuel des élections législatives de la République Togolaise.
I. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE LA MISSION
1. Sur la base des objectifs assignés, la MOEUA a effectué une évaluation équidistante, objective et indépendante de ces élections du 20 Décembre 2018, en conformité avec les instruments internationaux qui régissent les élections démocratiques en Afrique sus-indiqués, et dans le respect des lois en vigueur en République Togolaise. Ainsi, telles que édictées par les dispositions des Missions d’Observation et de Suivi des Elections de l’UA, la MOEUA s’est entretenue avec l’ensemble des parties prenantes au processus électoral, notamment les autorités togolaises, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), les acteurs politiques, le doyen du corps diplomatique et ambassadeurs accrédités au Togo, le Représentant Résident de la CEDEAO/Président de la Commission des facilitateurs, les membres du gouvernement, le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel, le Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et le Représentant Résident du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
2. Conformément à la méthodologie de l’observation électorale de l’Union Africaine, la Mission a organisé, les 18 et 19 Décembre 2018, à l'intention des observateurs, un briefing d’information et d’orientation sur la méthodologie d’observation des élections de l’Union Africaine (les standards en matière d’observation, de suivi du scrutin avec les outils de collecte des données et leur centralisation).
3. La Mission a déployé 13 équipes d’observateurs, dont trois dans la capitale et 10 dans les autres régions du pays. 178 bureaux de vote ont été visités, dont 106 en milieu urbain et 72 en milieu rural.
4. Cette déclaration préliminaire, basée sur les données collectées sur le terrain, porte sur l’environnement général du déroulement du scrutin, l’ouverture des bureaux, le vote, le dépouillement et les entretiens que les équipes déployées ont eus avec certaines parties prenantes du processus électoral.
II. CONSTATS ET OBSERVATIONS PRELIMINAIRES
A. Contexte politique des élections législatives de 2018
5. Les élections législatives du 20 Décembre 2018 en République Togolaise, se tiennent dans un contexte politique caractérisé par une rupture du dialogue politique entre la majorité présidentielle et une frange importante de l’opposition, en dépit de la médiation entreprise par la CEDEAO. Cette absence de consensus sur le processus électoral en cours, s’est traduit par un boycott des élections par une partie de l’opposition. Les points de divergences relevés tournent autour de la mise à jour d'un fichier électoral consensuel, d’un chronogramme électoral accepté par tous, du timing de l’adoption des réformes institutionnelles, constitutionnelles et du découpage électoral.
6. La Mission a constaté, malgré la tension politique perceptible et les divergences de vue entre acteurs, 12 partis politiques et 18 listes indépendantes ont pris part aux élections avec un total de 856 candidats enregistrés.
B. Cadrejuridique des élections législatives de 2018
Les élections législatives du 20 décembre 2018 sont régies principalement par les textes suivants :
7. La Constitution togolaise du 27 septembre 1992, révisée par la loi n° 2002-029 du 31 décembre 2002 et par la loi n° 2007-008 du 7 février 2007,garantit dans l’ensemble les principales libertés et droits politiques qui favorisent la tenue d’élections crédibles, transparentes et honnêtes (droit au vote, droit à la participation politique, liberté d’expression et de pensée, égalité homme-femme). L’article 5 de la Constitution consacre aussi le suffrage universel, égal et secret. Les membres de l’Assemblée Nationale sont élus pour 5 ans et les élections doivent avoir lieu dans les trente jours précédant l’expiration du mandat des députés.
8. Le Codeélectoral du 29 mai 2012, modifié successivement le 19 février 2013 et le 22 mars 2013 (lois n° 2013-004 et lois n° 2013-008), consacre en son titre IV les dispositions relatives à l’élection des députés de l’Assemblée Nationale.
9. Le mode de scrutin est celui de liste bloquée à la représentation proportionnelle. L’attribution des sièges se fait selon le système du Quotient Electoral et le reste des sièges à la plus forte moyenne.
10. Les révisions de fond introduites au code électoral concernent principalement le renforcement de la participation des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. L’article 220 (nouveau) exige le respect de la parité homme-femme sur les listes de candidats présentés remplaçant les anciennes dispositions qui ne garantissaient pas suffisamment la présence des femmes à l’Assemblée Nationale.
11. Dans la même optique, le montant du cautionnement versé au Trésor public par le candidat tête de liste est réduit de moitié pour les candidats de sexe féminin. Néanmoins, il a été décidé dans l’article 2 de la loi n° 2013-004 que les dispositions de la parité homme-femme ne seront pas appliquées pour les élections législatives en cours.
12. Le décretn°2018-164 fixant la date des élections législatives et convoquant le corps électoral pour le scrutin du 20 décembre 2018.
13. Il convient aussi de signaler que le Togo a ratifié les deux textes africains clés enmatière d’élections et de démocratie : la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples (05/11/1982) et la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance (24/01/2012).
C. Administration électorale
14. La mission note que, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), jouit d’une autonomie administrative et budgétaire dans son rôle d’organiser et de superviser les élections. L’Etat met à la disposition de cet organe de gestion des élections permanentes les moyens nécessaires pour l’organisation matérielle des élections et la proclamationdes résultats provisoires.
15. L’inclusivité au sein de la CENI est démontrée par la composition de ses membres. Parmi les 17 membres de la CENI, 5 sont désignés par la majorité parlementaire, 5 par l’opposition parlementaire, 3 sont issus des partis politiques extra-parlementaires, 3 de la société civile et 1 de l’administration. Si la parité entre les partis politiques de la majorité et de l’opposition a été respectée dans la composition de l’actuelle CENI, il reste néanmoins qu’une frange des partis d’opposition s’est abstenue de prendre part à la composition de l’actuelle CENI.
D. Enregistrement des électeurs
16. L’enrôlement des électeurs est fait par la CENI, soutenue principalement par le Ministère Chargé de l’Administration Territoriale. Il faut être togolais âgé de dix-huit (18) ans révolus et jouissant de ses droits civils et politiques, pour être inscrit sur la liste électorale. Pour les élections législatives de 2018, la CENI a organisé un recensement ordinaire du 1er au 25 octobre 2018 et un recensement exceptionnel de trois jours du 16 au 18 novembre 2018.
17. Après l’audit des listes électorales etafin d’éliminer certaines irrégularités constatées notamment l’enrôlement des mineurs et les inscriptions multiples, le fichier électoral issu du recensement de 2018comporte3.041.599 électeurs dont 1.428.273 hommes et 1.613.326 femmes. Si le fichier électoral ayant servi pour l’organisation de ces élections est fiable, il est toutefois nécessaire qu'il soit améliorésur une baseconsensuelle.
E. Enregistrement des candidats et déroulement de la campagne électorale
18. Tout togolais de naissance, âgé de 25 ans révolus, sachant lire et écrire la langue officielle est éligible à l’Assemblée Nationale.
19. La CENI a enregistré 856 candidatures venant de 12 partis politiques et de 18 indépendants.
20. La campagne pour les élections législatives s’est déroulée du 4 au 18 décembre 2018 sur l’étendue du territoire. La mission a constaté que les activités de campagne n’ont pas connu l’engouement habituel.
F. Médias
21. Au terme de l’Article 130 de la Constitution togolaise, La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication a pour mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse. A ce titre, elle veille au respect de la déontologie en matière d’information, de communication et à l’accès équitable des partis politiques et des associations aux moyens officiels d’information et de communication.
22. Cependant, la mission a relevé que les débats contradictoires n’ont pas été organisés par la plupart des médias. Ceux qui en ont programmé quelques-uns, ont de façon générale respecté la répartition des temps d’antenne entre les partis en compétition.
G. Société civile
23. Connue pour son implication dans les processus électoraux antérieurs, la société civile a été moins présente dans l’observation du scrutin et la sensibilisation des électeurs. La MOEUA n’a rencontré lors de ces élections législatives du 20 décembre 2018, et dans les bureaux de vote visités, qu’un nombre limité d’observateurs nationaux appartenant à la société civile.
III. OBSERVATIONS DU JOUR DE VOTE
A. Ouverture des bureaux de vote
24. Sur la totalité des bureaux de vote observés par la Mission, le constat est que certains ont ouvert avec un léger retard de 15 à 30 minutes par rapport à l’heure fixée, c’est-à-dire à 7h00. Ces retards étaient liés à l’aménagement tardif des bureaux de vote et à l’absence du personnel électoral. L’affluence était relativement faible à l’ouverture de la quasi-totalité des bureaux de vote visités.
B. Matériel électoral
25. La mission a relevé que le matériel électoral était disponible dans tous les bureaux de vote visités, en quantité suffisante, à l’exception de certains bureaux où il manquait des hologrammes et des listes d’émargement. Les urnes étaient en général bien scellées.
C. Participation électorale
26. La Mission a relevé une faible affluence dans les bureaux de vote visitésen zone urbaine, toutefois cette tendance a connu une pondération relative des votants en milieu rural.
D. Participation des femmes
27. Les données collectées par les observateurs témoignent d’une participation acceptable des femmes le jour du vote. La Mission a également noté une présence relative des femmes au sein des membres de bureau de vote, avec une estimation de 25%, dans les bureaux de vote visités. Il en a été de même parmi les représentants des partis politiques.
E. Personnel électoral
28. La Mission a relevé que dans la plupart des bureaux de vote visités, le nombre requis du personnel électoral (6) étaitincomplet. Toutefois leur niveau de maîtrise de la gestion du bureau de vote est relativement acceptable. Par ailleurs, il est à noter l'insuffisance du personnel de supervision de la CENI dans certaines régions.
F. Déroulement du scrutin
29. Le scrutin s’est globalement bien déroulé, dans uneatmosphère calme. Les bureaux de vote étaient bien aménagés et les isoloirs bien placés pour garantir le secret du vote.
30. La disposition de l’urne permettait une nette visibilité de l’ensemble des opérations de vote. Beaucoup d’électeurs avaient une bonne compréhension des procédures de vote. Ils accomplissaient leur devoir civiquesans difficulté.
31. La vérification de l’identité de l’électeur au regard de la liste électorale était systématique et préalable à l'accès au bulletin de vote, conformément aux dispositions de la loi électorale.
G. Représentation des candidats dans les bureaux de vote
32. La Mission a relevé une faible présence des représentants des candidats dans les bureaux de vote. Souvent ceux préposés à cette tâche avaient du mal à décliner les noms des candidats qu’ils sont censés représenter ou avaient des limites dans la maîtrise des procédures de vote.
H. Sécurité
33. La présence des forces de défense et de sécurité était forte sur les grands axes routiers. Le dispositif sécuritaire était visible et très renforcé en milieu urbain et moins prégnant dans les zones rurales. Par contre à l’intérieur des centres de vote, leur présence était discrètevoire insuffisante à certains endroits.
I. Clôture et dépouillement
34. Les bureaux de vote ont été clôturés conformément à l’heure légale en vigueur, 16h00. Les procédures de clôture et de dépouillement du vote se sont passées dans le calme dans les bureaux couverts par les équipes de la MOEUA.
CONCLUSION
Au terme de ses observations, la MOEUA note que le scrutin du 20 Décembre 2018 en République Togolaise s’est déroulé dans le calme. Toutefois,le caractère inclusif du processusélectoral aété atténuépar le boycott d’une frange de l’opposition.
La MOEUA remercie les autorités de la République Togolaise pour les dispositions prises en vue de faciliter son travail tout au long de son séjour.
Recommandations
De ce qui précède, la Mission formule les recommandations suivantes :
ϖ Au Gouvernement :
♣ Poursuivre et intensifier les efforts d'ouverture visant à renforcer le climat de confiance et d'apaisement entre tous les acteurs et composantes de la société togolaise ;
♣ Renforcer l'approche d’inclusivité dans l’adoption et l’application des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales ;
♣ Favoriser un climat propice au dialogue entre les acteurs politiques autour du cadre consultatif permanent.
ϖ A la CENI :
♣ Mettre en place un dispositif consensuel permanentde mise à jour du fichier électoral ;
♣ Développer un programme de renforcement des capacités de ses membres.
ϖ Aux acteurs politiques :
♣ Renforcer le cadre permanent de dialogue politique ;
♣ Mettre l’intérêt et la cohésion du pays au-dessus de toute considération partisane.
ϖ A la société civile :
♣ Oeuvrer pour sa plus grande implication dans le processus électoral notamment:
- La sensibilisation et l'éducation civique des électeurs,
- L'observation équidistante et impartiale des élections.
ϖ A la communauté internationale :
♣ Explorer les voies et moyens pour une application consensuelle de la feuille de route adoptée à l'échelle sous-régionale ;
♣ S'impliquerdavantage pour l'apaisement du climat politique post-électoral dans le pays.
Fait à Lomé, le vendredi21 Décembre 2018
Pour la Mission,
S.E.M. MATATA PONYO Mapon
Chef de Mission
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