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Allocution du Président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, à l'occasion de l'ouverture de la 3ème platforme de partenariat pour la lutte contre les aflatoxines en Afrique

Allocution du Président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, à l'occasion de l'ouverture de la 3ème platforme de partenariat pour la lutte contre les aflatoxines en Afrique

October 02, 2018

DAKAR, LE 2 OCTOBRE 2018

Excellence Monsieur le Premier ministre de la République du Sénégal,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement et représentants des corps constitués,

Honorables Ministres des États membres en charge de la sécurité sanitaire des aliments et autres chefs de délégation,

Madame la Commissaire de l’Union africaine chargée de l’Économie rurale et de l’Agriculture,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis ici pour délibérer sur un sujet – la sécurité sanitaire des aliments - qui ne fait pas encore la première actualité dans les médias africains. Il ne mobilise pas encore, hélas, l’opinion publique, alors même qu’il est d’une importance capitale pour l’Afrique.

La mentalité dominante incline à penser que cette préoccupation «concerne surtout les pays riches», que «c’est un luxe», qu’elle est l’effet d’un «certain snobisme», «une autre forme de mimétisme», pire, «d’aliénation culturelle». Il n’est dès lors pas surprenant qu’en Afrique l’accent ait été davantage mis sur la production de la nourriture en quantités suffisantes que sur sa qualité.

La sécurité sanitaire des aliments embrasse, pourtant, chaque dimension de l’entreprise de développement engagée sur le continent. Les défis qui s’y rapportent ont de graves répercussions sur l’état sanitaire de nos citoyens et leur productivité, en même temps qu’ils font peser un énorme fardeau sur les services de santé publique. Ils constituent une entrave au commerce intra-africain et menacent la compétitivité de nos produits agricoles sur le marché mondial. Ils entraînent des pertes post-récolte significatives, réduisant de ce fait la disponibilité de la nourriture.

La sécurité sanitaire des aliments apparaît ainsi comme un élément essentiel de la stratégie visant à matérialiser les aspirations de l’Afrique telles que contenues dans l’Agenda 2063. C'est précisément cette prise de conscience qui motive la tenue, ici au Sénégal, pays de raffinement, de cette 3ème réunion de la Plateforme de partenariat pour la lutte contre les aflatoxines.

Il est réconfortant de voir différentes parties prenantes venues de nombreux pays, organisations et professions ici rassemblées pour imprimer une plus grande vigueur à ce combat.

Je voudrais exprimer ma gratitude au Président Macky Sall pour son ferme soutien à la Plateforme, qui est un témoignage supplémentaire de l’engagement du Sénégal en faveur de l'agenda continental. Le Président Macky Sall a toujours été au rendez-vous des causes africaines. Son investissement constant pour le développement économique du continent est remarqué, puisqu’il est remarquable.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Au cours des dernières décennies, l’Union africaine a prêté une attention soutenue aux questions agricoles. L'adoption, en 2003, lors du Sommet de Maputo, du Programme détaillé pour le développement de l'agriculture en Afrique a marqué une étape majeure à cet égard. L’engagement de nos États à allouer au moins 10% des dépenses publiques à l’agriculture atteste d’un choix hautement stratégique.

En juin 2014, nos dirigeants ont adopté la Déclaration dite de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture en Afrique.

Soyons clairs et nets: le développement de l’Afrique est inconcevable sans investissements massifs dans l’agriculture.

Toutefois, une approche purement quantitative ne peut garantir la sécurité alimentaire et une nutrition adéquate, comme le montre la récurrence des phénomènes liés à la famine, à la malnutrition et aux retards de croissance chez l’enfant.

La réalisation des engagements pris dans la Déclaration de Malabo exige une action soutenue pour garantir la sécurité sanitaire des aliments. Il en va ainsi de l’élimination de la faim, du triplement du commerce intra-africain des produits et services agricoles d’ici 2025, de la réduction de la pauvreté, et de l’amélioration de la résilience des systèmes de production et de subsistance.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Compte tenu de la diversité des défis liés à la sécurité sanitaire des aliments, nous avons, au niveau de la Commission de l’Union africaine, hiérarchisé nos interventions, axant nos efforts sur le contrôle des aflatoxines. En effet, ces toxines dangereuses affectent des produits à consommation quotidienne massive, notamment l'arachide, le maïs et le sorgho, entre autres. Ces produits représentent également des secteurs importants de nos économies.

L’impact des aflatoxines est dévastateur. Elles sont à l’origine de 30% de tous les cas de cancers du foie dans le monde, dont plus de 40% - enregistrés en Afrique. Elles sont aussi associées à l’immunosuppression et au retard de croissance chez l’enfant. S’y ajoutent les cas empoisonnement aigu dus à l’aflatoxine qui ont affecté nombre de nos pays et entrainé d’importantes pertes en vies humaines.

Par ailleurs, les aflatoxines entravent l’accès des agriculteurs africains aux marchés internationaux, car leurs produits ne répondent pas aux normes requises. Le continent perd ainsi au minimum 700 millions de dollars américains par an en recettes d’exportation. Les produits contaminés par l’aflatoxine représentent le plus grand pourcentage de produits agricoles africains rejetés par l’Union européenne.

Au niveau du continent, l’augmentation souhaitée du commerce des produits et services agricoles se heurte à l’absence de standards communs en matière de sécurité sanitaire des aliments. C’est dire à quel point cette question est vitale pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine que nous avons adoptée au début de cette année.

Nos pays sont vulnérables à ces défis, non seulement à cause de conditions climatiques particulières, mais aussi du fait de l’absence de normes harmonisées et de politiques adéquates, de l’obsolescence des moyens techniques et scientifiques, et d’une faible sensibilisation au danger auquel nous faisons face. Une étude réalisée par l’Union africaine dans un pays du continent a révélé qu’entre 70 et 80% des acteurs concernés n’avaient jamais entendu parler d’aflatoxines et que plus de 90% d’entre eux n’en connaissaient pas l’impact. Ce constat s’applique certainement à bien d’autres États du continent.

En ce en domaine comme en d’autres, il n’y a pas de fatalité. Les solutions existent: elles requièrent une vision continentale, une forte volonté politique aux niveaux régional et national, ainsi que la mise en place de structures techniques adéquates et la promotion d’approches coordonnées.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Nous avons déjà franchi des étapes importantes. Le lancement en 2012, par la Commission de l’Union africaine, du Partenariat pour le contrôle des Aflatoxines en Afrique (PACA) en est un éloquent témoignage.

Je suis fier du travail accompli dans les six pays pilotes identifiés dans la phase initiale de mise en œuvre du PACA, y compris le Sénégal. La création d’une communauté de parties prenantes et d’experts tant africains que non-africains, porteuse de cette belle ambition et dont le but est de maximiser les synergies, est un pas décisif dans cette voie. La présente réunion en est l’expression éloquente.

Je voudrais ici rendre un hommage mérité à la Commissaire chargée de l’Economie rurale et de l’Agriculture, Josefa Sacko, pour son engagement sans faille, ainsi qu’à ses collègues du Secrétariat du PACA, pour les résultats obtenus. Je les exhorte à maintenir l’élan qu’ils ont imprimé à l’audacieuse marche en cours.

Je remercie également la Fondation Bill and Melinda Gates, la compagnie Nestlé et le Gouvernement américain pour leur appui substantiel.

Je note avec satisfaction que l’Union européenne et la Banque africaine de développement ont exprimé, au plus haut niveau, leur engagement à accompagner nos efforts.

Cette troisième réunion de la Plateforme de Partenariat du PACA est placée sous le signe de l’élargissement de ce programme et de l’approche qui le sous-tend à l’ensemble du continent. J’attends d’elle également qu’elle se penche sur les modalités de la rationalisation de nos efforts, étant donné que certaines agences spécialisées et d’autres départements de notre Commission traitent aussi de questions liées à la sécurité sanitaire des aliments.

Je voudrais, pour ma part, réitérer ma détermination à faire avancer cet agenda. Lors du Sommet de notre Union de janvier dernier, j’ai appelé l’attention des chefs d’État et de Gouvernement sur cette question. En mai 2018, j’ai soumis un rapport au Comité des Représentants permanents pour non seulement faire le point des efforts entrepris, mais aussi appeler à une plus grande mobilisation. J’ai évoqué la question avec nombre de partenaires pour solliciter leur appui.

En guise de couronnement de nos diverses initiatives, il me plaît d’annoncer que, conjointement avec la FAO et l’OMS, l’Union africaine abritera à son siège, à Addis Abeba, en février 2019, la première Conférence internationale sur la sécurité sanitaire des aliments. J’appelle votre grande Plateforme à la plus forte mobilisation qui soit pour faire de cette Conférence un éclatant succès à la mesure de nos espérances.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

La légitimité de notre Union et l’ampleur du soutien qui lui est apporté à l’échelle du continent sont intimement liées à la perception de l’impact de son action sur le terrain. L’Union africaine n’est pas seulement préoccupée par la recherche de la paix et de la sécurité; elle a aussi pour objectif la réalisation du développement socio-économique du continent.

C’est, au demeurant, dans cet esprit de proximité que le processus de réforme institutionnelle en cours préconise l’établissement d’une relation plus symbiotique entre l’Union et les citoyens africains.

Plusieurs programmes participent de cet objectif. Il convient de mentionner ici, entre autres, les activités menées dans des domaines aussi variés que l’élevage, lesquelles ont permis d’éradiquer la peste bovine sur le continent et d’améliorer, à travers le Centre panafricain des vaccins vétérinaires (PANVAC), la santé animale; la lutte contre les épidémies, grâce au Centre de contrôle et de prévention des maladies; l’éducation, à travers le programme de mobilité académique, le réseau africain de télé-éducation et de télémédecine et l’Université panafricaine; et les projets régionaux et continentaux structurants portés par le NEPAD, qui conduisent à de nouveaux rivages l’immense œuvre entreprise. Le leadership du Président Macky Sall, qui dirige le Comité d’orientation du NEPAD, est ici digne d’éloge.

La voie de la réalisation de l’Afrique que Nous Voulons ne sera jamais parsemée de roses. De nombreux défis nous attendent encore et encore.

Je le sais, mais je fais de la formule du philosophe Seneque mon credo : «Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas les faire ; c’est parce que nous n’osons pas les faire qu’elles sont difficiles».

Alors, continuons d’oser !

Je vous remercie de votre attention, et souhaite plein succès à vos travaux.

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