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Allocution du Président de la CUA, Moussa Faki Mahamat, au Sommet conjoint CEDEAO / CEEAC sur la paix, la sécurité, le terrorisme et l'extrémisme violent

Allocution du Président de la CUA, Moussa Faki Mahamat, au Sommet conjoint CEDEAO / CEEAC sur la paix, la sécurité, le terrorisme et l'extrémisme violent

July 31, 2018

SOMMET CONJOINT DE LA
COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO) ET DE LA
COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE (CEEAC) SUR LA PAIX, LA SÉCURITÉ, LE TERRORISME ET L’EXTRÉMISME VIOLENT

LOMÉ, RÉPUBLIQUE TOGOLAISE, LE 30 JUILLET 2018

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE, MOUSSA FAKI MAHAMAT

Excellences Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de la CEDEAO et de la CEEAC,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Chers collègues des Secrétariats de la CEDEAO et de la CEEAC,

Distingués représentants du corps diplomatique,

Mesdames et Messieurs,

Cette rencontre au sommet regroupant deux de nos plus importantes Communautés économiques régionales est un événement chargé de symboles.

Je voudrais, d’emblée, saisir cette exceptionnelle opportunité pour exprimer l’appréciation de l’Union africaine aux Présidents Faure Gnassingbé et Ali Bongo Ondimba, en leurs qualités respectives de Présidents en exercice de la CEDEAO et de la CEEAC, ainsi qu’à tous les autres dirigeants ici présents, pour la matérialisation de cette initiative.

L’Union africaine se réjouit d’autant plus de la tenue de cette rencontre qu’elle imprime une plus grande ampleur à une démarche dont notre organisation continentale s’est faite l’ardent promoteur: mutualiser, avec ingéniosité, les moyens et les efforts; adapter nos méthodes et approches aux exigences de
l’heure; innover, pour arriver à une plus grande efficacité.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Les défis sécuritaires auxquels les régions d’Afrique centrale et occidentale font face sont bien connus.

Qu’il s’agisse du terrorisme, si prégnant dans le Sahel et le bassin du Lac Tchad, de rébellions armées et autres formes de violence qui sévissent dans certains pays de la région, de la piraterie dans le Golfe de Guinée, de la persistance de trafics en tous genres ou d’affrontements liés au phénomène de la transhumance, la situation est une source de profonde préoccupation.

Un certain nombre de facteurs créent un terrain fertile à la persistance de cette insécurité, voire à son aggravation. Ils portent sur le changement climatique, dont le rétrécissement du Lac Tchad et l’ensablement du fleuve Niger figurent parmi les exemples les plus emblématiques; l’absence d’opportunités pour la jeunesse;
le sentiment de marginalisation, voire d’exclusion pure et simple, qui habite des pans entiers de nos sociétés; et les défis rencontrés en matière de gouvernance.

Je salue les nombreuses initiatives prises par la CEDEAO et la CEEAC ces dernières années pour faire face à cette situation. La création de la Force multinationale mixte chargée de combattre le groupe terroriste Boko Haram et de la Force conjointe du G5 Sahel, ainsi que l’action conduite s’agissant de la lutte contre la piraterie maritime sont, entre autres exemples, l’expression d’une forte volonté politique. Ils témoignent d’une détermination à dépasser les cloisonnements régionaux dès lors qu’ils font obstacle à la prise en charge effective de défis sécuritaires communs.

Les réponses ainsi articulées se sont inscrites dans le prolongement d’efforts menés par l’Union africaine pour favoriser des synergies inter-régionales. Je veux ici faire mention du Processus de Nouakchott sur le renforcement de la coopération sécuritaire dans la région sahélo-saharienne, qui regroupe des pays d’Afrique du nord, de l’ouest et du centre, et de l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de résistance du seigneur, qui a mis à contribution des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale.

Qu’elles soient prises au niveau régional ou continental, ces initiatives ont, toutes, permis de poser les jalons d’une approche et d’une doctrine africaines face aux menaces asymétriques, maintenant dominantes.

Elles ont démontré notre volonté de trouver des réponses spécifiques adaptées à notre environnement, dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le Sommet conjoint de ce jour traduit la reconnaissance par tous que les efforts déployés jusqu’ici, aussi importants soient-ils, ne sont pas suffisants.

Il importe de faire davantage. Le statu quo est clairement intenable.

En effet, la situation présente compromet la sécurité de nos populations, exposées à une violence aveugle; engendre une succession de crises humanitaires; et entrave tout effort de développement.

Dans l’exaltante dynamique de coopération inter-régionale renforcée, que ce Sommet conjoint consacre de la plus belle des manières, il importe que nous adoptions une approche holistique qui prenne en charge non seulement les aspects sécuritaires, mais aussi les causes sous-jacentes des problèmes qui se posent.

De ce point de vue, nous devons redoubler d’efforts pour régler les conflits qui endeuillent les deux régions et éviter que des tensions existantes ne prennent une tournure violente. Ce faisant, il s’agit aussi de concourir plus effectivement à la réalisation de l’ambitieux objectif que nous nous sommes assigné en tant que continent, à savoir en finir avec tous les conflits et guerres en Afrique à l’horizon 2020.

Autant la lutte contre les groupes terroristes et criminels doit être implacable, autant le dialogue doit prévaloir pour répondre aux préoccupations légitimes de populations qui ont quelquefois le sentiment que leurs problèmes ne sont pas suffisamment pris en charge, dans le respect évidemment de l’ordre constitutionnel et de l’intégrité territoriale de nos États.

Dans ce contexte de recherche de solutions aux conflits qui affectent le continent, nous nous devons de mobiliser tout le soutien nécessaire pour l’aboutissement de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine; d’aider à la tenue, dans les conditions requises de transparence et d’inclusivité, des élections prévues en décembre prochain en République démocratique du Congo; et de déployer des efforts renouvelés pour hâter le règlement de la crise libyenne, qui a un grave impact sur la sécurité de l’ensemble de la zone sahélienne.

Il est tout aussi important d’œuvrer plus résolument en faveur d’un développement inclusif et de l’éradication de la pauvreté. À cet égard, des projets concrets de nature à améliorer le quotidien des populations, conférant ainsi la crédibilité requise à la coopération CEDEAO-CEEAC, doivent être convenus et menés à bien. Entre autres exemples, le renflouement du bassin du Lac Tchad devrait retenir l’attention du Sommet conjoint, tant il est vrai que la menace quasi-existentielle qui pèse sur cette ressource écologique et économique porte en elle le danger d’une aggravation des problèmes sécuritaires que connaît la zone.

Il est, enfin, essentiel que les actions envisagées s’inscrivent dans une dynamique d’ensemble de renforcement continu de la gouvernance, sur la base des instruments africains pertinents, dont ceux de la CEDEAO et de la CEEAC.

En clair, le combat que nous menons est un combat total. Sa réussite suppose que notre action soit toute tendue vers la promotion de la sécurité humaine.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

L’Union africaine est résolument engagée à vos côtés. Les Communautés économiques régionales, qu’un Protocole de coopération en matière de paix et de sécurité lie à l’Union africaine, en sont les piliers. La réforme institutionnelle en cours de notre Union vise précisément à renforcer leur rôle.

Au cours des années écoulées, l’Union africaine a entrepris nombre d’actions pour accompagner les initiatives lancées tant par la CEDEAO que par la CEEAC.

Elle a apporté un appui politique et technique, y compris à travers la validation des concepts d’opération de la Force multinationale mixte et de la Force conjointe du G5; contribué au renforcement des capacités locales; facilité l’échange de renseignements; soutenu des efforts de stabilisation, notamment dans le bassin du Lac Tchad; et mené une action de plaidoyer auprès de la communauté internationale pour la mobilisation des ressources requises.

Par ailleurs, l’Union africaine a mis en place un riche arsenal normatif, politique et institutionnel qui a pour objectif de renforcer la coopération intra-africaine dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Dans le prolongement de cet accompagnement et des leçons qui en ont été tirées, nous entendons, dans la période à venir, articuler nos efforts autour des axes ci-après:

(1) premièrement, aider à une meilleure synergie inter-régionale à travers la mise en place d’arrangements de coopération sécuritaires flexibles, tels que le Processus de Nouakchott, ou leur élargissement là où ils existent;

(2) deuxièmement, mobiliser un appui plus substantiel en faveur des initiatives régionales par le biais des structures compétentes de l’Union africaine, notamment le Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme, le Mécanisme africain de coopération policière et le Comité des services de renseignements et de sécurité d’Afrique;

(3) troisièmement, promouvoir une meilleure articulation entre les efforts de la CEDEAO et de la CEEAC, d’une part, et ceux de l’Union africaine, d’autre part, dont les instruments doivent servir de cadre global à l’action de lutte contre le terrorisme; et

(4) quatrièmement, mener une action de plaidoyer plus soutenue au niveau international pour mobiliser un appui plus important pour le financement des opérations de soutien à la paix conduites par les pays des deux régions.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je n’ai pas l’ombre d’un doute que ce Sommet marquera une nouvelle étape et qu’il débouchera sur des mesures spécifiques de nature à concrétiser la volonté politique dont il est l’expression.

Il doit clairement signaler un engagement à assumer la responsabilité de promouvoir durablement la paix et la sécurité dans les deux régions, y compris en mobilisant les ressources requises à cet effet.

Cette tâche, faut-il le souligner, ne peut être déléguée à d’autres acteurs ou voir sa mise en œuvre subordonnée à la générosité de partenaires. Elle est co-substantielle à la souveraineté de nos États. Les avancées enregistrées dans le financement durable et prévisible de notre Union, qui est l’un des volets essentiels de la réforme en cours, ouvrent de prometteuses perspectives à cet égard.

Je ne saurais conclure sans réitérer ma gratitude au Président Faure Gnassingbé et à son Gouvernement pour la chaleur de leur accueil et la générosité de leur hospitalité.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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