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Acceptance Speech by H.E. Idriss Deby Itno, Newly Elected Chairperson of the African Union (AU) and President of the Republic of Chad (Addis-Ababa, 30 Janvier 2016)

Acceptance Speech by H.E. Idriss Deby Itno, Newly Elected Chairperson of the African Union (AU) and President of the Republic of Chad (Addis-Ababa, 30 Janvier 2016)

January 30, 2016

DISCOURS D’ACCEPATION DE S.E. IDRISS DEBY ITNO, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU TCHAD, PRESIDENT EN EXERCICE DE L’UNION AFRICAINE,(Addis-Ababa, 30 Janvier 2016)
Monsieur le Président en exercice sortant de l’Union Africaine,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Madame la Présidente de la Commission de l’Union Africaine,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est un immense plaisir que vous faites au Tchad et à son Peuple en me nommant Président en exercice de l’Union Africaine pour l’année 2016. Je remercie mes Collègues d’Afrique Centrale qui m’ont proposé à cette haute et noble fonction et vous tous ici qui venez d’entériner leur choix.
J’accepte cette mission avec plaisir, mais aussi avec une pointe d’angoisse tant la charge qui m’incombe désormais est lourde et pleine de défis.
Permettez-moi de rendre hommage à mon illustre prédécesseur et Frère, l’infatigable militant de l’indépendance et de la dignité de l’Afrique : j’ai nommé Son Excellence Robert Mugabé qui a mené son mandat avec passion et détermination.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous dire tout de suite que je n’ai ni la prétention, ni les moyens, et encore moins le temps de changer le cours des évènements en Afrique.
A défaut de changer les choses, j’ai au moins cette latitude de vous dire ce que je crois utile pour l’Afrique et pour les Africains, même si cela doit se réaliser dans le très long terme.
Fort de son énorme potentiel humain et économique, notre Continent s’est de plus en plus imposé dans le système international. Il est au centre de toutes les convoitises, que ce soit sur le plan politique ou sur le plan économique.
Nous devons tirer, collectivement, le meilleur bénéfice de cette position. Dans cette perspective, il nous faut nous organiser pour défendre ensemble nos intérêts. Il nous faut nous adapter à la nouvelle dynamique mondiale où la solidarité et la complémentarité sont les meilleures armes contre la pauvreté et les menaces transnationales de toutes sortes.
L’Union Africaine est et demeure le creuset de cette solidarité. Nous l’avions bâtie sur les cendres de l’Organisation de l’Unité Africaine afin qu’elle impulse cette dynamique de l’Unité, de l’intégration humaine, politique et économique.
Mais force est de constater qu’elle n’a pas encore répondu à toutes nos attentes. A sa décharge, je dirais que nous, les Etats, ne lui avons pas donné les moyens de réaliser les objectifs que nous lui avons assignés, parce que nous ne voulons rien céder de nos souverainetés respectives. L’union que nous appelons de tous nos vœux serait vide de sens si les Africains ne circulent pas librement, s’ils ne sont pas détenteur d’un seul passeport.
Notre Organisation fonctionne toujours comme il y a 20 ou 30 ans. Nous nous réunissons trop souvent ; nous parlons toujours trop; nous écrivons toujours beaucoup; mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout. Nous subissons plus les évènements que nous les anticipons. Nous attendons toujours tout de l’extérieur.
Cela doit impérativement changer. C’est pour cette raison que la restructuration de l’Union Africaine engagée elle aussi depuis près d’une décennie doit être soutenue et accélérée.
Pour ma part, je vais m’y employer et j’espère compter sur votre soutien pour que cette réforme aboutisse.
De mon point de vue, il est inadmissible que le fonctionnement de notre Organisation ainsi que certaines de ses activités, soient financés par l’extérieur, alors que l’étude lancée depuis plusieurs années sur les sources alternatives de financement censées mettre un terme à cette dépendance piétine et s’enfonce dans des débats sans fin.
Chers frères et sœurs,
Que ce soit sur la question des droits de l’homme qui est le thème central du présent Sommet, de l’Agenda 2063 et de son Plan d’Action décennal, tout ce que nous entreprenons maintenant et même un peu plus tard, sera vain et sans portée réelle sur nos Etats et nos populations si nous laissons se perpétuer en Afrique les crises ; des crises parfois insupportables : Soudan du Sud, Libye, Somalie, Burundi, Sahel, Bassin du Lac Tchad.
Nous devons, par la diplomatie ou par la force, selon la nature et l’ampleur de la crise, mettre un terme à ces tragédies d’un autre âge.
Mais nous devons être les acteurs principaux dans la recherche des solutions aux crises africaines et non des observateurs passifs de solutions élaborées ailleurs, comme ce fut le cas en Libye.

S’agissant justement de ce pays qui nous est si cher, je préconise que l’Afrique prenne une initiative, à travers un Comité de Chefs d’Etat, soutenu par les Nations Unies en vue de parachever les efforts faits par leur Envoyé spécial.
La montée en puissance du terrorisme dans le monde et en Afrique en particulier nous commande d’unir nos forces. La solidarité face à ce phénomène ne doit pas être que verbale. Nous devons être soudés dans l’action comme dans la réflexion. C’est l’occasion de remercier ici tous nos bilatéraux et multilatéraux qui nous apportent un appui précieux.
Etant entendu que le terrorisme se nourrit de la pauvreté, notre organisation doit consacrer l’essentiel de ses efforts sur les régions du Sahel, du Lac Tchad et de la Corne de l’Afrique qui constituent le terreau fertile à l’expansion du phénomène terroriste.
Une fois de plus, je réitère mon appel à l’Afrique afin qu’elle prenne son destin en mains, qu’elle assure elle-même sa sécurité. Elle en a les moyens humains et matériels qui peuvent être mobilisés dans le cadre de la CARIC et de la Force Africaine en Attente. La réalité, c’est qu’il manque cette volonté politique de donner corps à cette Force. Chacun de nous doit méditer sur cette grave atteinte à notre dignité.

Mesdames et Messieurs.
L’Afrique de 2016 doit être considérée comme un Continent à part entière, fort de plus d’un milliard d’âmes, qui a tant donné à l’humanité mais qui a également tant subi.
Il faut donc lui rendre justice, mais surtout lui donner la place qu’elle mérite dans le système international en lui accordant une ou deux places au Conseil de Sécurité, avec droit de veto.
La réforme des Nations Unies et en particulier celle du Conseil de Sécurité doit s’inscrire dans cette logique. Cependant, nous devons faire en sorte que cette réforme s’accélère, parce que nous ne pouvons plus nous complaire dans cette injustice et parce que nous voulons exercer notre droit légitime à décider de notre destin.
Enfin, Mesdames et Messieurs,
Le changement que nous voulons voir s’opérer au sein de la Commission de l’Union Africaine, est tributaire des changements à mener dans nos propres Etats.
Il nous faut modifier notre manière de penser et de gérer nos difficultés, notre manière de pratiquer la coopération. Il nous faut changer nous-mêmes. Nous devons penser africain, agir africain, parler africain, et pourquoi pas consommer, s’habiller et se distraire africain.
Ce faisant, nous recréerons une personnalité et un esprit africains qui, malheureusement, se diluent progressivement dans la mondialisation. Nous contribuerons également à booster l’économie africaine, et à diminuer sensiblement le chômage de nos jeunes.
Tout cela paraît utopique. Mais tout cela est faisable dans le long terme. A condition que nous jetons les bases de ces changements dès maintenant.

Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs,
Distingués Invités,
Avant de terminer, je voudrais vous faire part d’un fait vécu au Tchad en rapport avec le thème de notre conférence, à savoir les droits de l’homme avec un accent particulier sur les droits des femmes.
Il y a quelques semaines, une jeune femme manipulée par la secte terroriste Boko Haram, a été arrêtée dans la région du Lac Tchad alors qu’elle s’apprêtait à faire exploser la charge qu’elle portait sur elle. Interrogée sur les raisons de l’acte terroriste qu’elle s’apprêtait à commettre, la jeune femme a déclaré : on m’a dit qu’après cela, j’irai au paradis et alors j’aurais la latitude de choisir moi-même mon époux.
Cette terrifiante confession traduit le désarroi dans lequel se trouve aujourd’hui de millions de femmes africaines soumises aux violences de toutes sortes, à l’arbitraire de certaines pratiques rétrogrades. Les droits de l’homme que nous devons promouvoir consiste aussi à changer le destin de cette femme.
Mais nous ne pouvons le faire par des discours ou des rapports. Il nous faut agir concrètement. C’est ce à quoi j’invite les Etats afin que 2016 marque effectivement un pas positif dans le sort de millions de femmes du Continent.

Je vous remercie.

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