MISSION D’OBSERVATION ELECTORALE DE L’UNION AFRICAINE (MOEUA) DANS LE CADRE DES ELECTIONS LEGISLATIVES DU 30 JUILLET 2017 EN REPUBLIQUE DU SENEGAL DECLARATION PRELIMINAIRE
MISSION D’OBSERVATION ELECTORALE DE L’UNION AFRICAINE (MOEUA) DANS LE CADRE DES ELECTIONS LEGISLATIVES DU 30 JUILLET 2017 EN REPUBLIQUE DU SENEGAL DECLARATION PRELIMINAIRE
I. INTRODUCTION
Sur invitation du Gouvernement de la République du Sénégal, le Président de la Commission de l’Union Africaine (CUA) S.E.M. Moussa Faki Mahamat y a dépêché une Mission pour observer les élections législatives du 30 juillet 2017.
Conduite par S.E. Madame Catherine Samba Panza, ancienne Présidente de la Transition en République Centrafricaine, la Mission est forte de 40 observateurs qui sont ambassadeurs accrédités auprès de l’Union Africaine à Addis Abeba, parlementaires panafricains, responsables d’organes de gestion des élections, et des d’organisations de la société civile africaine issus de 24 pays africains à savoir Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée Equatoriale, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, République Sahraouie, Rwanda, Sierra Leone, Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Togo, Tunisie et Zimbabwe.
La Mission est appuyée par une équipe technique composée de fonctionnaires de la CUA et du Parlement panafricain (PAP) et des experts de l’Electoral Institute for Sustainable Democracy in Africa (EISA).
La MOEUA publie dans la présente déclaration ses constats préliminaires au terme de l’observation des opérations de vote et de dépouillement des voix. Elle va continuer à suivre l’évolution du processus électoral à l’issue duquel elle offrira une évaluation détaillée de la conduite de celui-ci dans un rapport final.
II. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE LA MISSION
1. L’évaluation et l’analyse indépendantes et objectives de la conduite du scrutin législatif du 30 juillet 2017 est le mandat de cette quatrième MOEUA dépêchée en République du Sénégal. Ce mandat est executé à la lumière des dispositions pertinentes de la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2012, qui vise à rehausser les processus électoraux en Afrique, renforcer les institutions électorales et la conduite d’élections équitables, libres et transparentes; la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique de 2002; les Directives de l’UA pour les missions d’observation et de suivi des élections de 2002 et d’autres instruments internationaux pertinents régissant l’observation des élections. Son observation et analyse reposent également sur le cadre juridique pour l’organisation des élections législatives en République du Sénégal.
2. Dans le cadre de cette évaluation, et ce conformément aux Directives de l’UA pour les missions d’observation et de suivi des élections, la MOEUA s’est entretenue avec les autorités institutionnelles du pays ainsi que les principales parties prenantes au processus électoral, notamment, le Président de la République, le Ministre des Affaires étrangères, le Ministre de l’Intérieur et la Sécurité Publique, le Président de la CENA, certains chefs et représentants des coalitions des partis politiques et indépendants en compétition, des médias et des organisations de la société civile sénégalaise. La MOEUA s’est également entretenue avec la mission d’observation internationale de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
3. La MOEUA est arrivée au Sénégal le 22 juillet 2017 et y séjournera jusqu’au 04 août 2017.
4. Le 25 juillet 2017, la MOEUA a organisé, pour ses observateurs, une séance de briefing technique avec les parties prenantes nationales. En vue de mettre à la disposition de ses observateurs un éventail d’informations sur la méthodologie d’observation de court terme de l’Union Africaine (UA), y compris sur l’utilisation des tablettes tactiles utilisées pour la collecte et la transmission des données le jour du scrutin, la MOEUA a organisé une session d’orientation et de remise à niveau le 26 juillet 2017 à Dakar.
5. Pour l’observation de la fin de la campagne électorale et du scrutin, la MOEUA a déployé 16 équipes dans 13 régions du pays à savoir Dakar, Diourbel, Fatick, Kaffrine, Kaolack, Kolda, Louga, Matam, Saint Louis, Sedhiou, Tambacounda, Thies et Zinguinchor. Le 30 juillet 2017, les équipes d’observateurs de courte durée ont visité 279 bureaux de vote bureaux de vote.
III. CONSTATS PRELIMINAIRES : OBSERVATIONS PREELECTORALES
A. Contexte général des élections législatives de 2017
6. Le 30 juillet 2017, les Sénégalais se sont rendus aux urnes en vue du renouvellement de la chambre de représentants. Ces élections législatives, qui se sont tenues à terme constitutionnel échu, revêtent à maints égards un caractère singulier. A l’opposé des consultations électorales de 2012, les élections législatives de 2017 n’ont pas été couplées à l’élection du Président de la République. Le non couplage des deux élections nationales fait suite au référendum constitutionnel du 20 mars 2016 qui s’est tenu à l’initiative du Chef de l’Etat Sénégalais qui escomptait principalement la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel à compter de l’adoption des réformes constitutionnelles.
7. Ces législatives sont également particulières du fait du nombre pléthorique de listes de candidats en compétition. 47 listes de candidats, dont une indépendante, ont brigué les 165 sièges de l’Assemblée Nationale dont 15 ont été attribués, pour la première fois de l’histoire du pays, aux sénégalais de l’extérieur.
8. Ces élections interviennent dans un contexte caractérisé par des tensions politiques, qui se sont cristallisées suite à la reddition de la Décision No 8/2017 du 26 juillet 2017 du Conseil Constitutionnel, qui a entérinée la proposition du Chef de l’Etat qui visait à permettre, aux électeurs n’ayant pu retirer leur carte d’identité biométrique faisant office de carte d’électeur, de voter exceptionnellement sur présentation de leur récépissé d’inscription soit avec leur carte d’identité ou carte d’électeur numérisée soit avec leur passeport ou un document d’immatriculation pour les primo-inscrits non détenteurs d’une de ces trois pièces d’identification. Cette Décision, désapprouvée par une frange des acteurs politiques, a été prise dans un contexte marqué par des lenteurs significatives dans le processus de confection et de distribution des cartes biométriques CEDEAO qui devaient servir de seule pièce d’identification lors du vote.
9. Plusieurs parties prenantes, avec lesquelles la MOEUA s’est entretenue, ont déploré la rupture du dialogue politique entre la majorité présidentielle et les forces de l’opposition et l’absence de consensus sur la question des réformes du Code électoral. Certains acteurs sociaux ont regretté le fait que les nouvelles modalités de vote approuvées par le Conseil Constitutionnel n’ont pas fait l’objet de concertations au sein de la classe politique. Ces parties prenantes ont également relevé le fait que le temps additionnel pour une organisation optimale de ces élections qui auraient dues se tenir début juillet 2017, n’était vraisemblablement pas suffisant.
B. Cadre légal
10. Le cadre légal encadrant l’organisation des élections législatives au Sénégal témoigne de l’ancrage démocratique du pays. En effet, le Sénégal a ratifié la grande majorité des normes juridiques internationales et régionales protégeant les droits et libertés fondamentaux des citoyens et garantissant leur pleine participation à la vie publique et politique. Cet attachement du pays aux droits de sa population est reflété dans de nombreuses dispositions de la Constitution qui consacre dès son Préambule l’exercice de la souveraineté par le peuple et « l’accès de tous les citoyens, sans discrimination, à l’exercice du pouvoir à tous les niveaux », conformément aux principes édictés par la Charte Africaine de la Démocratie, de la Gouvernance et des Elections ainsi que le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO.
11. A l’issue du référendum constitutionnel de 2016, le Sénégal a procédé à une révision constitutionnelle et à une réforme du Code électoral dont les principales innovations concernant les élections législatives sont :
• la participation des candidats indépendants à tous les types d’élections ;
• le renforcement du rôle de l’opposition à travers la prescription de droits égaux et l’adoption d’une loi permettant à celle-ci « de s’acquitter de ses missions » ainsi que l’institutionnalisation du statut et du rôle du chef de l’Opposition ;
• le passage de cent cinquante (150) à cent soixante-cinq (165) pour représenter les sénégalais et la création de huit nouvelles circonscriptions électorales afférentes ;
• et le vote des sénégalais de l’étranger.
12. Aux termes des articles 3 et 59 de la Constitution, tous les sénégalais, y compris ceux de l’étranger, disposent du droit d’élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. En permettant aux citoyens de l’extérieur de voter et de se porter candidat, la Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 a contribué à renforcer le principe de non-discrimination dans la participation et l’accès à l’exercice du pouvoir tout en promouvant le principe d’universalité du suffrage prescrit par l’article 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à laquelle a adhéré le Sénégal. A cet égard, la MOEUA félicite le Gouvernement et le législateur sénégalais pour ces mesures qui stimulent et renforcent la participation politique et citoyenne.
13. Si ces réformes représentent des avancées démocratiques pour le pays, la MOEUA a noté que leur adoption a suscité beaucoup de controverses, notamment de la part d’une partie de l’opposition et de la Société civile. En effet, ces dernières ont estimé la révision du Code électoral intervenue en janvier 2017, soit six mois avant la date prévue du scrutin, contraire à l’article 2 du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO qui stipule que : « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les 6 mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». Le manque de consensus et de dialogue autour de l’opportunité d’une telle révision a créé des tensions tout au long du processus électoral. Cependant, la MOEUA a constaté avec satisfaction que ce climat tendu n’a pas affecté le déroulement des opérations de vote.
C. Administration électorale
14. La Loi No 2017-12 du 18 janvier 2017, abrogeant et remplaçant la Loi No2014-18 du 15 avril 2014, portant Code électoral, attribue la responsabilité de la préparation et de l’organisation des élections et consultations référendaires au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, dénommé Ministère chargé des élections. L’article 2 du Titre Premier de la partie législative du Décret No 2017-170 du 27 janvier abrogeant et remplaçant le Décret No2014-514 du 16 avril 2014 portant Code Electoral définit le cahier de charges du Ministère chargé des élections. Nombreuses sont les responsabilités spécifiques qui incombent à ce Ministère parmi lesquelles l’établissement et la révision des listes électorales ; la tenue du fichier électoral ; la conception, la confection, l’installation et la conservation des documents et archives électoraux; la commande et le contrôle des conditions d’impression des bulletins de vote; l’élaboration, l’organisation, la gestion et la distribution des cartes d’électeur ; la mise en œuvre et le contrôle des principes applicables en matière de propagande électorale; la conduite de campagnes de sensibilisation et d’information civique. Le Ministère chargé des élections accomplit ses tâches par le biais de la Direction Générale des Elections (DGE), division technique spécialisée en matière de questions électorales.
15. En vue de l’exécution effective de son mandat, le Ministère chargé des élections est appuyé par d’autres structures publiques notamment le Ministère chargé des Affaires Etrangères et la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA).
16. Conformément aux dispositions du Code électoral, le Ministère chargé des Affaires Etrangères exécute, au-delà des frontières nationales, les prérogatives du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique dans le but de permettre aux sénégalais de l’étranger d’exercer le droit de vote que leur reconnait la législation en vigueur.
17. L’architecture électorale légale prévoit l’existence d’une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). La CENA, structure permanente et autonome dotée de la personnalité juridique et jouissant d’une autonomie financière, a pour responsabilité de contrôler et de superviser, à tous les niveaux, l’ensemble des opérations électorales et référendaires depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats. La CENA détient un pouvoir d’injonction et de correction de tous les manquements et dysfonctionnements relevés dans la conduite des opérations électorales. Elle dispose du droit de substitution à toute autorité administrative défaillante. Elle a également la charge de veiller au respect de la loi électorale pour assurer la régularité, la transparence et la sincérité des scrutins.
18. La MOEUA a perçu au cours de ses échanges avec certains acteurs nationaux l’inassouvissement des attentes relatives aux modalités requises pour l’exercice du vote, au nombre minimum de bulletins de vote dont chaque électeur devait se munir avant de se rendre dans l’isoloir et au processus de distribution des cartes biométriques CEDEAO faisant foi de carte d’électeur dans le cadre des législatives de 2017. Au regard du champ d’action élargi de la CENA et du rôle primordial qu’elle joue dans le processus électoral, des parties prenantes, rencontrées par la MOEUA, ont de ce fait déploré son manque de prise de position en dépit de certains efforts consentis par cette institution.
D. Fichier electoral et carte d’electeur
19. Préalablement à la tenue des élections législatives du 30 juillet 2017, le Sénégal a procédé à deux révisions exceptionnelles des listes électorales, respectivement en août 2016 et entre février et avril 2017, comme le permet l’article L39 du Code électoral. A l’issue de ces opérations, six millions deux cent quatorze mille cent soixante-dix-huit (6 214 178) électeurs y sont désormais inscrits, dont cinq millions neuf cent cinquante-deux mille quatre-vingt-onze (5 952 091) sur le territoire national et six cent vingt-sept mille trois cent cinquante-six (627 356) à l’étranger. Ces initiatives ont permis d’enregistrer une hausse significative d’environ 12,5% qui témoigne de la volonté des citoyens sénégalais de participer aux processus démocratiques en cours dans leur pays. A cet égard, la MOEUA a relevé peu de griefs quant à la fiabilité de fichier électoral ayant servi de base au scrutin législatif du 30 juillet 2017.
20. La MOEUA a noté les retards enregistrés dans la délivrance des cartes d’électeurs. Cette situation présentait le risque de priver une partie des électeurs de leur droit d’exercer leur droit de vote. En effet, depuis la Loi n° 2016-27 du 19 août 2016 portant refonte partielle des listes électorales, la carte d’identité biométrique de la CEDEAO fait désormais office de carte d’électeur et constitue le seul document d’identification valable de l’électeur au regard de la loi. Ainsi, l’indisponibilité de ces cartes a engendré des craintes légitimes de la part de la société civile, des acteurs politiques et des électeurs eux-mêmes.
21. La MOEUA salue l’initiative prise par le Président de la République de saisir le Conseil Constitutionnel pour permettre le vote des citoyens inscrits sur les listes électorales mais n’ayant pas en leur possession la carte biométrique de la CEDEAO. En effet, cette saisine a permis au Conseil d’autoriser « à titre exceptionnel » le vote de tout électeur régulièrement inscrit sur les listes électorales. Ainsi, les électeurs ont pu se rendre aux urnes munis de leur récépissé d’inscription et d’un autre document d’immatriculation tel que l’ancienne carte d’identité ou l’ancienne carte électorale numérisée et le passeport. Toutefois, la MOEUA regrette la prise tardive de cette décision qui n’a pas permis d’effectuer une sensibilisation adéquate des citoyens en vue de dissiper les doutes sur les pièces requises pour voter. En outre, ce recours n’a réglé que partiellement les difficultés puisqu’il n’a pas résolu le cas des primo inscrits, ces derniers ne disposant pas nécessairement d’un document d’immatriculation supplémentaire.
E. Education et sensibilisation électorales
22. La campagne d’éducation et de sensibilisation du public au processus électoral a commencé en 2016, pour accompagner les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs.
23. La campagne d’information sur le processus électoral a été menée par le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, en charge des élections, aidée dans cette tâche par des organisations de la société civile.
24. Cette sensibilisation a suscité un engouement certain auprès du public et a permis l’inscription d’un grand nombre de citoyens sur les listes électorales.
25. La MOEUA a relevé que l’information électorale n’a toutefois pas été continue et s’est révélée insuffisante. Ce déficit n’a pas permis aux électeurs de retirer leurs cartes aux lieux indiqués.
26. Le temps mis pour l’élaboration d’un fichier consensuel n’a pas permis une bonne organisation de l’information des électeurs sur les questions importantes y afférentes, telles que les voies, moyens et lieux de vérifications des listes électorales et de règlement des contentieux.
27. La MOEUA a été informée du manque de coordination entre les organisations de la société civile, l’administration électorale et les partis politiques relativement à la sensibilisation des électeurs.
28. Les organisations de la société civile rencontrées par la Mission ont également indiqué n’avoir pu mobiliser des fonds substantiels pour les activités d’éducation civique et électorale relatives aux législatives.
F. Campagne électorale
29. La campagne électorale a duré 21 jours et s’est déroulée du dimanche 09 juillet 2017 à minuit au vendredi 28 juillet 2017 à minuit, conformément à la loi électorale. Les coalitions rencontrées par la Mission ont indiqué avoir pu battre campagne et tenir des réunions électorales sans entrave sur tout le territoire national.
30. La MOEUA a été informée de la recrudescence des actes de vandalisme perpétrés sur plusieurs affiches de campagne, ainsi que de la destruction de bureaux de vote à l’intérieur du pays.
31. La Mission a noté que les média constituent un canal important de communication sur les opérations électorales d’une part, et entre candidats et électeurs d’autre part.
32. Sous la supervision du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel qui encadre la couverture médiatique des différentes phases électorales à la lumière du code électoral, les média publics ou privés de l’audiovisuel, de la presse écrite ou utilisant tout autre support qui traite de la campagne, ont, dans l’ensemble, respecté les règles d’équité et d’équilibre dans le traitement des activités des listes de candidats.
33. Toutefois, la MOEUA a noté l’absence d’un cadre légal encadrant les dépenses de campagne électorale. Cette absence n’est pas de nature à favoriser le principe d’égalité de chances entre les listes de candidats en compétition.
IV. OBSERVATIONS DU JOUR DU SCRUTIN
5 952 091électeurs inscrits sur le territoire national et 627 356 électeurs enregistrés sur les listes électorales à l’étranger étaient appelés à se rendre aux urnes le dimanche 30 juillet 2017.
La MOEUA présente dans les lignes qui suivent ses constats sur le déroulement de ce scrutin. Ces constats ont été faits sur la base des observations de ses 16 équipes d’observateurs de courte durée déployées dans 13 régions du pays. Ces équipes ont visité 279 bureaux de vote dont 59,9% sont situés en zone urbaine et 40,1% en zone rurale.
A. Ouverture des bureaux de vote
90% des bureaux de vote visités par la Mission n’ont pas ouvert à l’heure règlementaire (08heures). 45% des bureaux ont ouvert avec au moins 40 minutes de retard, 10% avec plus d’une heure du fait de retards dans l’aménagement des bureaux de vote, notamment dans la disposition des 47 bulletins de vote sur les tables. Dans certains bureaux de vote, la forte pluie de la veille a causé des perturbations et/ou des inondations importantes.
Malgré les files d’attente engendrées par les retards, l’atmosphère était paisible et calme aux alentours des bureaux de vote visités au moment de l’ouverture. La Mission a été toutefois informée de la destruction de bureaux de vote à l’intérieur du pays notamment dans la ville de Touba.
B. Accessibilité des bureaux de vote
66,8% des bureaux visités ont été accessibles aux personnes vivant avec un handicap. Les raisons de la difficulté d’accès étaient liées au non nivellement du sol dans 77,4% des cas.
C. Participation électorale
Des files d’attente ont été observées dans 63,6% des bureaux de vote visités. Celles-ci étaient essentiellement causées par les lenteurs observées dans le processus de vote. Toutefois, la MOEUA a noté une évolution positive de l’affluence par rapport aux précédentes élections législatives.
D. Déroulement du scrutin
Dans 96,8% des cas l’aménagement du bureau permettait la fluidité des opérations de vote. Cependant, des lenteurs dans les procédures de vote ont été observées en raison notamment du nombre important de listes et de la disposition des bulletins de vote.
Les scellés étaient convenablement mis dans 97.3% des bureaux visités.
Dans les bureaux de vote visités, les électeurs ont été tenus de présenter une pièce d’identité valide avant de voter. Cependant, les équipes d’observateurs ont relevé quelques cas où l’électeur a été autorisé à voter avec le seul récépissé d’inscription sur les listes électorales, contrairement à la décision du Conseil constitutionnel qui préconisait que ce récépissé soit accompagné d’un document d’immatriculation supplémentaire.
Dans tous les cas observés, l’identité de l’électeur a été systématiquement vérifiée au regard de la liste d’émargements.
Dans 16% des bureaux de vote visités, l’entrée au bureau de vote a été refusée à des électeurs soit parce qu’ils ne se trouvaient pas dans le bon bureau de vote (66.7%), soit parce qu’ils n’étaient pas en possession de leur carte d’électeur/carte d’identité nationale (10.0%) ou soit parce que leur nom ne figurait pas sur la liste électorale (46.7%).
Le président du bureau de vote s’est assuré que l’électeur n’était porteur que d’une seule enveloppe avant que celui-ci ne l’introduise dans l’urne dans 89,8% des bureaux de vote visités.
Une assistance a été apportée aux électeurs qui en ont eu besoin ou en ont fait la demande dans 82.9% des cas. Cette assistance a été apportée par une personne choisie par l’électeur dans 60.6% de cas et par un membre du bureau de vote dans 51.6% des bureaux visités.
La priorité a été donnée aux personnes handicapées, aux personnes âgées, et aux femmes enceintes dans 86.1% des cas.
E. Matériel électoral
Le matériel électoral était disponible en quantité suffisante dans 97,3% des bureaux de vote visités. Les quelques cas d’insuffisance relevés ont été rapidement résolus par les représentants de la CENA ou les autorités administratives concernées.
F. Secret du vote
Le secret du vote était garanti dans 98,9% des bureaux de vote visités. Dans de rares cas, ce secret du vote a pu être compromis par le fait que l’électeur n’ait pas pris le minimum de cinq bulletins de vote au moment de faire son choix.
G. Membres des bureaux de vote
Il y avait 3 agents électoraux en moyenne dans les bureaux de vote visités, conformément aux prescriptions de la loi. Ils ont fait montre de compétences dans l’exécution des tâches qui leur ont été dévolues.
La MOEUA a constaté une implication féminine satisfaisante parmi les membres des bureaux de vote avec une présence moyenne d’une femme sur trois au sein des bureaux de vote visités.
H. Représentants des listes de candidats et observateurs
La MOEUA a noté une mobilisation importante des représentants de listes de candidats tout au long de la journée du vote, avec en moyenne cinq représentants par bureau de vote visité. Cette présence permet de renforcer la transparence et la crédibilité des opérations de vote, bien que toutes les coalitions n’aient pas été représentées.
Cependant, la Mission regrette la faible représentation des femmes parmi les représentants de listes de candidats. En outre, ces derniers ne semblaient pas être suffisamment informés de leurs rôles. Ce manque d’information ne leur a pas permis de jouer leur rôle de manière efficiente.
Les équipes d’observateurs ont relevé une faible présence des observateurs citoyens et internationaux dans les bureaux visités.
I. La sécurité
Les forces de sécurité ont été présentes tout au long de la journée du vote dans 77% des bureaux de vote visités. Cette présence a été discrète dans 56,3% des cas et professionnelle dans 33,3% permettant ainsi aux électeurs de voter sereinement.
J. Fermeture et dépouillement
85% des bureaux de vote ont fermé à temps. Les 15% restants ont pris du retard en raison d’affluence de dernière minute.
Dans 100% des bureaux visités, les présidents des bureaux de vote ont permis aux électeurs se trouvant dans le centre de vote à l’heure de clôture d’exercer leur droit.
Dans 98% des bureaux visités, le dépouillement s’est déroulé conformément aux procédures prévues et sans interruption ni ingérence. Un procès-verbal a été rédigé et signé par les membres du bureau de vote, les représentants des listes de candidats et le représentant de la CENA.
Cependant, des problèmes d’éclairage ont été signalés dans certains bureaux de votes à l’intérieur du pays.
Dans 98% des bureaux de vote visités, les résultats du vote ont été lus à haute voix par le président du bureau de vote à la fin du processus de dépouillement. Les représentants de listes de candidats et de la CENA ont reçu une copie du procès-verbal des opérations électorales et la fiche des résultats a été affichée publiquement à l'entrée des bureaux de vote visités.
V. CONCLUSION
La tenue effective des élections législatives du 30 juillet 2017 symbolise un acquis supplémentaire dans la consolidation de l’ancrage démocratique du Sénégal.
Nonobstant les dysfonctionnements majeurs d’ordre technique et organisationnel auxquels l’organe de gestion des élections s’est heurté dans la période précédant les législatives de 2017, et l’absence, au sein de la classe politique, de consensus sur plusieurs questions ayant trait au processus électoral, la tenue effective du scrutin du 30 juillet 2017 témoigne de l’engagement des forces socio-politiques nationales à placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de tout intérêt partisan.
Au regard des observations effectuées par la Mission, le scrutin s’est globalement passé dans des conditions de transparence malgré le constat avéré de dysfonctionnements dans l’organisation.
Cependant, la Mission reste préoccupée par le climat général de méfiance existant au sein de la classe politique. Les griefs portés par les uns et les autres représentent des risques pour la stabilité du pays. Ainsi, la Mission exhorte tous les acteurs politiques à s’engager dans un dialogue afin de trouver le consensus le plus large possible pour ne pas compromettre les échéances électorales futures et préserver la longue tradition démocratique du pays.
De ce fait, la MOEUA en appelle au sens de la retenue dont ont fait montre les coalitions de partis politiques, leurs militants et sympathisants avant et pendant le scrutin. Elle les exhorte à préserver le climat de paix ayant prévalu jusque-là, à respecter le verdict des urnes, et à recourir uniquement à la voie légale pour des contestations éventuelles le cas échéant.
La MOEUA félicite les acteurs politiques et ceux de la société civile pour la maturité dont ils ont fait preuve malgré leurs différends. Cette retenue a permis aux citoyens sénégalais d’exercer leur droit de vote en toute quiétude. La mission félicite également la population qui a fait montre de détermination en se rendant aux urnes malgré les intempéries.
La Mission d’Observation Électorale de l’Union Africaine remercie les autorités de la République du Sénégal pour toutes les dispositions qu’elles ont bien voulu prendre en vue de faciliter son travail sur l’ensemble du territoire national.
La Mission voudrait toutefois faire les recommandations suivantes :
VI. RECOMMANDATIONS
Au Gouvernement
• La MOEUA exhorte le gouvernement à réinviter, dans un cadre incitatif à la poursuite du dialogue permanent, l’ensemble des acteurs politiques en vue de décrisper le climat politique, de promouvoir une résolution consensuelle des différends politiques et de restaurer un climat de confiance pour la préserve de la paix et de la cohésion sociale.
Au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique
• La MOEUA appelle l’administration électorale à accélérer la distribution des cartes d’identité biométriques de la CEDEAO afin de garantir le droit de tous les citoyens à élire leurs représentants et d’accroître la confiance des parties prenantes dans le processus électoral.
• La MOEUA appelle le Ministère en charge des élections à poursuivre l’information et l’éducation électorale et citoyenne des électeurs en vue de permettre à un maximum de citoyens sénégalais de disposer de cartes d’électeurs et d’identité.
• La MOEUA encourage l’administration électorale à procéder à la numérotation des bulletins de vote et à uniformiser les procédures de disposition des listes de candidats dans les bureaux de vote.
• La MOEUA exhorte l’administration électorale à prendre des mesures pour l’identification des membres du bureau de vote en vue de permettre aux personnes autorisées dans les bureaux de vote de distinguer aisément les différents acteurs dans le bureau.
• La MOEUA invite l’administration électorale à une mise en adéquation des enveloppes et bulletins de vote dans le but de préserver le secret du vote.
• La MOEUA appelle l’administration électorale à trouver un moyen de stockage des bulletins de vote non utilisés à l’issue du scrutin.
A la CENA
• La MOEUA exhorte la CENA à exercer effectivement les compétences qui lui sont conférées par la loi en vue d’une organisation matérielle optimale des élections et d’apporter en temps opportun les correctifs nécessaires à tout dysfonctionnement constaté.
Aux acteurs politiques
• La MOEUA encourage les acteurs politiques à se réengager sur la voie du dialogue et à mettre en œuvre tous les moyens pour que s’instaure un consensus plus large autour des réformes du cadre légal régissant les élections afin de ne pas compromettre le bon déroulement et la paix lors des prochaines échéances électorales.
• La MOEUA encourage les acteurs politiques à procéder à la formation de leurs représentants au sein des bureaux de vote afin de leur permettre de jouer leur rôle de manière efficiente.
• La MOEUA appelle les partis politiques à se doter d’un code de bonne conduite encadrant leurs différentes activités, en particulier en période électorale, afin de contribuer à la mise en place d’une compétition politique saine.
A la société civile
• La MOEUA encourage la société civile à poursuivre ses efforts de plaidoyer auprès des forces politiques nationales en vue de consolider et de préserver la tradition d’ouverture et de dialogue politique au Sénégal.
• La MOEUA encourage la société civile à s’impliquer davantage dans l’observation citoyenne des processus électoraux à travers la mutualisation des ressources en vue d’améliorer la culture de la participation citoyenne.
Fait à Dakar, le 1 août 2017
Pour la Mission,
S. E. Catherine Samba Panza
Chef de Mission
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