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Allocution de S.E. Moussa Faki Mahamat, President de la Commission de l’Union africaine au 2ème Réunion de Dakar Sur Le Financement Des Infrastructures

Allocution de S.E. Moussa Faki Mahamat, President de la Commission de l’Union africaine au 2ème Réunion de Dakar Sur Le Financement Des Infrastructures

February 02, 2023

Excellence Macky Sall, Président de la République du Senegal et President en exercise de L'Union africaine,

Excellence Paul Kagame, Président de la République du Rwanda et Président du Comité d'Orientiation des Chefs dEtat de AUDA-NEPAD,

Messieurs les premiers ministres de l'Algerie, de l'Egypte et du Senegal

Messieurs les présidents de Hautes Institutions de la République duSenegal

Mesdames, Messieurs les Ministres

Madame la Commissaire de l'Union africaine en charge
Des Infrastructures et de l'Energie,

Madame la Secrétaire Executive de l'AUDA-NEPAD,

Mesdames, Messieurs les chefs des institutions financières,
Chers partenaires,
Mesdames Messieurs,

Je voudrais tout d’abord exprimer ma reconnaissance au Président Macky Sall, au gouvernement et à son grand peuple du Sénégal d’avoir bien voulu abriter successivement deux réunions sur des questions vitales pour l’Afrique : la Conférence sur la sécurité alimentaire sur le financement des infrastructures.

Disons-le d’emblée, les infrastructures constituent le socle, le nœud gordien des problématiques du développement en Afrique. La transformation structurelle de nos économies, à travers l’accélération de l’intégration régionale et continentale, et l'amélioration de la compétitivité de nos économies, l’intensification des flux commerciaux inter- africains, l’augmentation de la productivité industrielle et agricole et la réduction des inégalités, exigent des infrastructures modernes et de qualité.

Ici comme ailleurs, il nous faut tenir un langage de vérité. L’état des lieux montre que l’Afrique accuse un retard considérable dans ce secteur, ce qui induit un manque à gagner en termes de croissance économique estimé à 2% par an. L’Agenda 2063 de l’Union africaine l’a en substance proclamé de manière structurée, précise et claire.

Les retards en terme d’ampleur des déficits et de lenteur des rythmes de progrès sont patents dans les secteurs des transports, notamment les routes, les ports, les chemins de fer et plus encore de l’électrification, de l’eau et des technologies de l’information. Ce déficit d’infrastructures nous coûte 40% en terme de perte de productivité.

A l’heure actuelle, seulement 38 % de la population africaine a accès à l'électricité, moins de 10 % est connectée à internet et seulement 25 % du réseau routier africain est pavé.

Les appels constants de notre continent pour des investissements de grande ampleur dans les infrastructures productives, conséquences logiques de cet état de fait, cherchent à inverser cette tendance. Pour ce faire, l’Union africaine a pris un certain nombre d’initiatives.

Je peux signaler le Programme de Développement des Infrastructures (PIDA1) au niveau régional et continental et le programme de l’Initiative présidentielle pour le Développement des Infrastructures, ainsi que le plan d’action prioritaire du PIDA PAP 2 pour la période 2021-2030. Ce portefeuille, basé sur un inventaire des projets proposés par les Communautés Économiques Régionales et les États Membres de l’Union Africaine, est sérieusement documenté, ambitieux et quantifié. Ce portefeuille contient des projets avec des retours importants sur investissement et un contexte de risque maîtrisé.

Pourquoi alors sommes-nous au stade rappelé dans l’état des lieux ? Ce n’est certainement pas par défaut d’initiatives africaines diverses que nos retards s’expliquent. N’est-il pas alors temps d’orienter la recherche de réponses en nous-mêmes, c’est à dire dans les déficits de volonté politique, d’innovation dans la gouvernance et d’audace visionnaire dans la construction de nos destins ?

Les infrastructures ne tombent pas du ciel. Elles se conçoivent, se planifient et se réalisent avec méthode, acharnement et détermination transformatrice. Tous ceux qui les ont réalisées en Asie et en Amérique latine et avant ceux-là ailleurs, ont suivi ce chemin, l’unique conduisant à l’accomplissement des ambitions. Je note ici que le train express régional de Dakar est un exemple probant de volonté politique pour lequel je félicite le gouvernement du Sénégal, le President Macky Sall en particulier.

Excellences,
Mesdames Messieurs,

Le financement des infrastructures en Afrique est d’abord une affaire des Gouvernements. Les chiffres nous indiquent que 80% de nos infrastructures sont financées sur nos ressources publiques. Or, l’espace budgétaire de plus en plus réduit de nos Etats ne permet pas de relever le défi de ce devoir à l’égard de nos peuples. Tous nos experts sont unanimes sur l’urgence d’une redynamisation cohérente des efforts de mobilisation de nos ressources domestiques. C’est dans ce contexte de restrictions budgétaires que prendra un relief particulier la mobilisation du secteur privé africain et l’intéressement du secteur privé international.

Mais cela ne suffit pas. Il faut aller au-delà. Il nous faut imaginer, inventer de nouveaux instruments, des modèles et scénarios de financement pour combler les besoins estimés entre 130 et 170 milliards de dollars par an. Il nous faut creuser davantage l’idée de partenariats innovants, des fonds de pension et des fonds souverains. En impliquant plus fortement nos fonds souverains et nos fonds de pension dans le financement à long terme de nos projets d’infrastructures bancables, nous démontrerons notre volonté d’appropriation de notre destin.

A titre de contribution, la Commission de l’Union africaine tente de renforcer la lutte contre les flux illicites de capitaux qui nous coûtent plus de 70 milliards de Dollars par an. L’amélioration de la gestion des finances publiques par la réforme des politiques fiscales, la mise en place d’institutions financières véritablement africaines et le renforcement des outils et mécanismes de financement innovants.

De même, la Commission a pris des initiatives visant à éliminer les obstacles inhérents à la mise en œuvre des projets PIDA, en soumettant ces difficultés aux Chefs d’Etat pour la prise de décisions conséquentes. Cette approche a permis des avancées dans la réalisation des projets tels que la transsaharienne LAGOS/ALGER, le corridor Nord Sud dans la SADC, LAPSSET en Afrique de l’Est ou encore l’interconnexion par la fibre optique en Afrique de l’Ouest

En outre, l’Union africaine, à travers son agence de développement AUDA-NEPAD, a lancé en 2016 le Continental Business Network dont l’objectif est d’attirer le secteur privé africain dans le processus de financement et d’appui aux projets d’infrastructures au niveau national, régional et continental.

Une autre initiative clé est celle que portent l’agenda 5 % et l’African Infrastructure Garantee Mechanism censés tous deux mobiliser la Communauté africaine des investisseurs institutionnels et atténuer les risques pesant sur les projets de PIDA.

Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte marqué par les limites de l'épargne intérieure, la mise en œuvre du PIDA2 dépendra de la capacité à mobiliser les financements extérieurs, notamment les investissements directs étrangers (IDE) dont le niveau est encore faible même si nous avons vu, selon la CNUCED, un léger rebond à 83 milliards de dollars américains en 2021.

Selon les estimations de l'OCDE et de la Banque mondiale, l'Afrique ne reçoit que 50 milliards de dollars de flux d'IDE, soit 2,2 % du PIB du continent. En 2017-2019, l'Afrique n'a attiré que 2,9 % des flux mondiaux d'IDE, par rapport à l'Asie :31,1 % et à l'Amérique latine et Caraïbes : 9,9 %.

A cet effet, les Etats membres sont appelés à accélérer les réformes structurelles ayant trait au renforcement de la transparence, la protection des investisseurs et la lutte contre la corruption.

Il est superflu de rappeler que les apports de financements extérieurs sont conditionnés par l'amélioration de la viabilité et de l'efficacité de leur utilisation. Il y a lieu d’insister ici sur la priorisation des infrastructures dans les initiatives d’allègement de la dette, de sorte que toute mesure d’allégement aboutisse à l’affectation de la dette annulée au développement des infrastructures.

Je ne saurais terminer ces propos sans insister sur l’idée récurrente dans tous les débats sur la question des infrastructures en Afrique. L’enjeu majeur est et demeure l’émergence d’une vision fondée sur les sacrifices et efforts propres du Continent portés par une volonté forte de compter sur nous-même et notre propre mobilisation de ressources de financement dans une logique à long terme.

Mon expérience de Six ans à la tête de la Commission de l’Union Africaine m’a définitivement convaincu de la nécessité de compter avant tout sur nos propre force. Les promesses et chiffres mirobolants ressassés de conférence en conférence et de forum en forum internationaux, nous nous en sommes suffisamment abreuvés. N’est-il pas temps de nous ressaisir ? N’est-il pas temps de se réveiller ? N’est-il pas temps, pour tout dire, de réaliser que notre auto construction ne viendra jamais que de notre propre rédemption, de notre émancipation de cette insupportable attente de l’autre.

Une Afrique intégrée nest pas possible sans les infrastructures.

Une Afrique prospère n’est pas possible sans les infrastructures.

Une Afrique en paix n'est pas possible sans les infrastructures.

Agissons donc en conséquence pour l'Afrique que nous voulons. Une Afrique intégrée, prospère et en paix.

Je vous remercie.

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