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Ce Ruban Violet Sur La Paille

Ce Ruban Violet Sur La Paille

juillet 15, 2020
Ce Ruban Violet Sur La Paille

« Le pouvoir fait violence parce qu'il ne laisse aucune place aux désirs, aux envies et aux droits de l'autre » [1]

«J'ai toujours cru que c'était de ma faute. Si la relation allait mal c'était principalement de ma faute ». Victimes des violences conjugales, plusieurs femmes sont aujourd'hui sous les relations d'emprise. Nombreuses d'entre-elles pensent que ce qui leur arrive est notamment due à leurs agissements, à un écart de comportement ou de langage, à certaines de leurs attitudes envers leurs maris. Cette fausse culpabilité qui se remarque dans le chef des femmes violentées durant des nombreuses années a longtemps été une fermeture à glissière sur les lèvres de celles qui en étaient des victimes, mais qui se forçaient de se persuader, convaincues, qu'elles en étaient les provocatrices.

Sur une enquête à ce propos, Cédric Louis et Marie Abbet [2] ont interviewé plusieurs femmes qui affirmaient ne s'être rendu compte de la violence imposée sur elles qu'à des périodes où les coercitions devenaient plus intenses. Ceci dit, c'est lorsque les dommages causés deviennent plus destructeurs, et parfois irréversibles, que les femmes reconnaissent qu'elles ont vécues tout ce temps sous l'emprise de la violence. Cette situation est un risque majeur car les enquêtes révèlent que la période de dénonciation d'une violence conjugale est très souvent la période des graves dégradation; corporelles ou psychologique. La plupart des femmes contiennent cette violence par une auto-condamnation jusqu'à ce que les cas deviennent plus destructeurs, d'où le plus à craindre dans les violences conjugales est la voix muette de celles qui ni ne savent ni ne peuvent se plaindre de ces actes causés sur elles. Il est redoutable d'imaginer les types de violences restés non-dénoncés, sachant que seulement 22% des femmes ayant subi des violences arrivent à lever leurs voix.

L'humain, en cette année 2020, vit un terrible revirement. Pour une fois dans le monde, une pandémie cloue à la fois tous les secteurs d'activité de l'être humain. En effet, le COVID-19, étant une pandémie mortelle à contamination rapide, chacun est tenu de respecter les gestes barrières pour se protéger et empêcher la propagation du virus. Il s'avère alors que le confinement est la méthode la plus efficace, car il empêche tout contact avec l'extérieur. Plusieurs famille se voient alors revivre des moments et des relations conjugales qu'ils ont soit perdus faute de temps consacré à leur travail soit abandonnés à cause des probables reculs conjugaux. Le confinement profil, à première vue, un romantisme dans chaque couple. Mais cet enfermement ne fait-il pas ombrage à certaines actions qu'on pourrait qualifier de criminelles? Le doute n'est-il pas à maintenir si l'on sait que sous certaines impulsivités la plupart des hommes sont capables de porter une main brutale sur leurs conjointes? Le confinement face au COVID-19 ne serait-il pas une pierre pesante qui attirerait ces bouches déjà cousues dans les profondeurs du silence?

Dans le contexte congolais, qu'est mon pays, la situation financière de plusieurs familles s'étant empirée suite aux ralentissements voire aux blocages des activités micro économiques des parents, et des jeunes qui sortent quotidiennement à la recherche de leurs vies, comme on dit ici, a une incidence psychologique auprès de ces derniers. Les marchés étant mis à l'arrêt, les quotidiens ressemblent désormais à un enfer puisque l'alimentation de la famille doit être assurée pendant toute cette période où personne n'est tenu de s'exposer au péril de sa vie. Les ménages se voient livrer à de dures situations financières qu'ils traversent malgré eux tant le problème est d'ordre mondial. Dans ces conditions de brisement psychologique, plusieurs hommes sont enclins aux dérives et aux colères. D'où cette humeur favoriserait les violences surtout qu'elles se feraient cette fois-ci dans des conditions d'enfermement au quotidien.

Les femmes restées enfermées avec leurs maris sont contraintes de prendre soin d'eux, reconnaissant ainsi les envies sexuelles de ces derniers qu'elles sont aussi tenues de satisfaire. Ces conditions extrêmes où d'un côté il y a des obligations ménagères à accomplir, l'attention à porter à la famille et de l'autre son rôle d'épouse à exercer, ainsi que le temps interminable des confinements dont le stress, peuvent nous renvoyer un mauvais signal face à la réceptivité de la femme auprès de son mari. Cela nous en dit long sur les formes de violences que la femme peut endurer à cause de cette non-réceptivité. Ces accumulations des charges sur la tête de la femme peuvent subtilement l'exposer à des reproches, des énervements de son mari. La femme peut alors croire que c'est de sa faute et inverser la responsabilité des violences dont elle serait encline sous l'impatience de l'homme. Des paroles blessantes, humiliantes et des attitudes impulsives face à une femme débordée peuvent caractériser la vie de foyer de la plupart des femmes dans ces tristes moments de confinement. Ces paroles, ces attitudes sont des blessures psychologiques qui causent énormément des dommages intérieurs et deviennent au fil des jours qui passent une gangrène sur la santé psychique de cette innocente. Évidemment qu'elles ne sont pas perceptibles au-dehors, mais ces blessures deviennent encore plus fatales lorsque la femme les avale et essaye de se convaincre d'une trompeuse culpabilité. À force d'encaisser ces horribles attaques et tous ces durs reproches, la femme se détruit de l'intérieur. Elle vit comme si elle n'existait pas, comme n'étant bonne à rien et cela la ronge complètement. Elle se sent effacée du monde et c'est violent de le vivre.

Cette façon de banaliser intérieurement la violence est un puissant facteur de la croissance de ces horribles actes sur nous femmes aux foyers. Partant de ma situation personnelle, j'estime que ce qui caractérise cette tendance à l'encaissement c'est l'envie de chercher à gérer cette état de souffrance que l'on pense pouvoir être dissipé du jour au lendemain. Oubliant que la violence, quelle que soit sa forme, est un cycle mortel qui commence d'abord par nous détruire à petit feu de l'intérieur, la violence que l'on subit tous pendant cette période sombre ajoute au stress du confinement le malaise de se sentir femme à côté d'un homme dominant et ingrat vis-à-vis du sacrifice que l'on fait. Ces violences dans l'enfermement, aussi petites peuvent-elles sembler nous enlèvent la seule dignité que l'on puisse garder à nos propres yeux. Obligées de voir et d'entendre la même personne avec les mêmes propos tous les jours, notre intérieur fini enfin à créer un déséquilibre et un manque de confiance envers nous-même.

Pour ma part, en quelques mots, j'estime que nous les femmes nous demeurons souvent dans cet état parce que nous pensons gérer un cycle de violence qui ne s'arrêtera presque jamais si on ne le dénonce et on reconnait être abusées au sein de nos foyers. Le silence est le seul facteur pouvant pérenniser ces cycles de violences. Plus on se taira plus le cycle sera rapide et atteindra le niveau de destruction physique et psychologique le plus élevé.



[1] Dr. Valérie Le GOFF-CUBILIER, médecin adjointe Secteur Psychiatrie Ouest, CHUV en Suisse. Citation puisée au cours d'un de ses interviews sur les violences conjugales, Temps présent-violences conjugales, le cycle infernal.

[2] Auteurs du reportage Temps présent-violences conjugales, le cycle infernal.

Priscille Mpumbu is a young woman entrepreneur from the Democratic Republic of Congo. Born in Kinshasa, she graduated from the Literature Faculty of the University of Kinshasa. She is an advocate for social assistance and aid.
Priscille considers herself as a creative, dynamic, autonomous, and sociable person.
 
 
 

 

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