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Déclaration Préliminaire de la Mission d’observation électorale de l’Union Africaine pour l’élection présidentielle du 22 Février 2020 en République Togolaise

Déclaration Préliminaire de la Mission d’observation électorale de l’Union Africaine pour l’élection présidentielle du 22 Février 2020 en République Togolaise

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février 24, 2020

INTRODUCTION 

Le premier tour de l’élection présidentielle en République Togolaise a eu lieu le 22 février 2020. Sur l’invitation du Gouvernement, le Président de la Commission de l’Union africaine (CUA), S.E.M. Moussa Faki Mahamat, a décidé de déployer une Mission d’Observation Electorale de l’Union Africaine (MOEUA) conduite par l’ancien Président de la République de Madagascar, S.E.M. Hery Rajaonarimampianina.

La MOEUA, qui séjourne au Togo du 15 au 29 février 2020 comprend 43 observateurs provenant de 28 pays notamment : Algérie, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Îles Maurice, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Tunisie et Union des Comores. La Mission est constituée d’Ambassadeurs accrédités auprès de l’Union Africaine, de Parlementaires Panafricains, de Responsables d’Institutions en Charge des Elections, de Membres des Organisations de la Société Civile, de Groupes de Réflexion, de Médias et d’Institutions académiques.

La Mission s’inscrit dans le cadre des dispositions pertinentes continentales en matière d’élections notamment : la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance (CADEG) ; la Déclaration de l’OUA/UA sur les Principes régissant les élections démocratiques en Afrique ; les Directives de l’UA pour les Missions d’observation et de suivi des élections et l’Agenda 2063. En outre, elle se conforme aux prescriptions du cadre juridique national régissant les élections.

La présente déclaration préliminaire relative à cette élection fait suite aux observations préliminaires faites par nos observateurs déployés sur le terrain. Elle sera complétée ultérieurement par un rapport final plus détaillé.

  1. OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE DE LA MISSION
    La MOEUA a pour principal objectif l’évaluation indépendante, impartiale et objective du scrutin. Son travail repose sur une analyse du processus électoral. La méthodologie suivie combine l’étude des formulaires et les échanges avec les parties prenantes du processus électoral et les partenaires techniques et financiers. La Mission a déployé 19 équipes de binômes réparties dans les 5 régions du Togo. Elles ont couvert 42 préfectures. La Mission a rencontré des membres du Gouvernement, le Médiateur de la République, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et des représentants de la société civile. Par ailleurs, elle a échangé avec les 7 candidats. La MOEUA a également interagi avec les autres Missions internationales d’observation électorale à savoir celles de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), le Conseil de l’Entente, la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD), l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale (IPAE) et le Club Africain pour la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement (CAPSDD). En outre, elle s’est entretenue avec le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), le Coordonnateur Résident du Système des Nations Unies au Togo et le Groupe des Ambassadeurs Africains accrédités dans le pays. La Mission poursuivra ses consultations auprès des parties prenantes jusqu’à la fin de son séjour conformément aux termes de son mandat.
  2. CONSTATS ET OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
    1. Contexte politique de l’élection Le premier tour de la présidentielle s’est déroulé dans un contexte global apaisé. Il fait suite à la résolution de la crise politique de 2017 et à la médiation de la CEDEAO de 2018 appuyée par l’Union africaine et les Nations Unies et à la révision constitutionnelle de mai 2019. C’est dans ce contexte que s’inscrit la tenue de cette présidentielle togolaise.
    2. Cadre juridique de l’élection L’élection présidentielle est régie par les dispositions de la Constitution, du Code Electoral et des actes réglementaires y afférents. En effet, les articles 58 à 75 de la Constitution susvisée fixent les modalités constitutionnelles de l’élection du Président de la République en tant que garant de la continuité de l’Etat. Par ailleurs, le Titre II portant Dispositions relatives à l’Election du Président de la République couvre les articles 149 à 168 du Code Electoral. Ils traitent des conditions d’éligibilité et de recevabilité des candidats, des recours et des modalités de saisine de la CENI et de la Cour Constitutionnelle. Les questions sur les cautions et les autres formes de financement public des candidats y sont abordées. Ces dispositions mettent également en exergue les critères d’incompatibilité pour l’élection présidentielle
    3. et les typologies de vote, notamment le vote par omission, par procuration et par dérogation. Les conditions de transmission des résultats y sont également codifiées.
    4. Administration électorale La CENI est l’organe principal de gestion des élections. Elle est assistée dans l’exécution de sa mission par ses démembrements que sont les Commissions Electorales Locales Indépendantes (CELI) sur le plan local et les Commissions Électorales d’Ambassades Indépendantes (CEAI), à l’étranger. La CENI bénéficie aussi du concours du Ministère chargé de l’Administration Territoriale, du Ministère des Affaires Etrangères et d’autres services de l’Etat dans l’accomplissement de sa mission.
    5. Enregistrement des électeurs En vertu de l’article 40 du Code Electoral, est électeur tout citoyen Togolais âgé de 18 ans révolus et jouissant de ses droits civiques et politiques. En application du Décret N° 2019-152/PR du 13 novembre 2019, la révision des listes électorales pour l’élection présidentielle de 2020 s’est déroulée du 29 novembre au 1er décembre 2019. Le fichier électoral compte 3 614 056 électeurs représentant 86,6% du potentiel électoral escompté des personnes en âge de voter qui sont estimés à 4 millions. Il contient 1 871 745 femmes contre 1 742 311 hommes. La CENI a mis en place 9.389 bureaux de vote dans 4.445 Centres de Recensement et Vote (CRV). Pour la première fois, la diaspora togolaise avait la possibilité de participer au vote. A ce titre, 348 Togolais résidant à l’étranger sont inscrits dans le fichier électoral et répartis dans 6 pays à savoir : Etats Unis d’Amérique ; France ; Gabon ; Maroc ; Nigéria et République Démocratique du Congo.
    6. Enregistrement des candidats L’article 62 de la Constitution fixe les conditions d’éligibilité aux fonctions de Président de la République. Le Chapitre I du Titre II du Code Electoral en précise les modalités d’application. Dans ce cadre, la CENI a réceptionné 24 candidatures et après étude, a transmis neuf (9) à la Cour Constitutionnelle qui en a validé sept (7). En vertu des dispositions de l’article 152 du Code Electoral, en cas de refus d’enregistrement d’une candidature par la CENI, le requérant peut saisir la Cour Constitutionnelle qui a 48 heures pour rendre sa décision. La Mission constate qu’en l’espèce, des candidats recalés ont fait usage de cette disposition légale. Ce qui constitue des avancées pour l’Etat de Droit en République Togolaise.
    7. Déroulement de la campagne électorale La MOEUA constate que la campagne électorale s’est déroulée du 06 au 20 février 2020 dans un climat général apaisé. Aucun incident majeur n’a été observé ni porté à l’attention de la Mission.
    8. Financement de la Campagne Le législateur a fixé les modalités de financement des campagnes électorales notamment dans les articles 118 à 122 du Code Electoral. Les dépenses des candidats à l’élection présidentielle ne doivent pas légalement excéder cinq cent millions (500 000 000) de francs CFA conformément à l’article 120. Les candidats disposent de fonds propres, de cotisations et de contributions volontaires de leurs sympathisants. En outre, un financement public est prévu par la Loi électorale. Ses modalités d’application sont fixées par le Décret N° 2019-194/PR du 05 décembre 2019. Cependant, certains candidats ont informé la MOEUA qu’ils n’ont pas reçu leur quote-part du financement public prévu à cet effet par le Gouvernement avant la tenue du scrutin. Ce qui aurait impacté l’organisation de leur campagne.
    9. Education civique / Renforcement des capacités L’article 8 du Code Électoral dispose que la CENI : « assure la formation des citoyens en période électorale ». Globalement, la Mission a constaté qu’elle a accompli cette importante fonction civique en coordination, dans la plupart des cas, avec des organisations de la Société Civile. Les partis et coalitions politiques ainsi que les candidats y ont également concouru pour mieux sensibiliser les populations au vote. La Cour Constitutionnelle a contribué quant à elle au renforcement des capacités des partis politiques et des candidats sur la maîtrise des procédures de contentieux électoral.
    10. Médias Les médias jouent un rôle important de socialisation politique. La CENI remplit entre autre une fonction de veille pour assurer le respect de l’égalité de traitement médiatique entre les candidats auprès des médias du service public. Par ailleurs, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) organise des débats contradictoires entre les candidats et veille à l’égalité de leur temps d’antenne conformément aux prescriptions des articles 165 et 166 du Code Electoral. La MOEUA a noté que la présence de certaines délégations d’Autorités de Régulation des Médias de pays de l’Afrique de l’Ouest aux côtés de la HAAC du Togo constitue une initiative exemplaire de coopération technique régionale dans ce domaine.
    11. Participation des femmes, des jeunes et des minorités Les femmes et les filles constituent la majorité des électeurs inscrits dans le Fichier électoral. Les jeunes, les personnes vivant avec un handicap, les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les personnes âgées y ont pris part à divers niveaux de mobilisation. Il n’y a pas eu de statistiques désagrégées concernant le nombre et le type de handicap, celui de jeunes garçons et filles de 18 à 30 ans et enfin, de personnes âgées pour chaque bureau de vote et au plan national. Une telle désagrégation des données électorales aurait permis d’avoir des statistiques plus affinées sur le niveau de mobilisation politique de ces catégories d’électeurs.
    12. Société civile Les Organisations de la Société Civile ont joué un rôle non négligeable dans la mobilisation des électeurs afin de les sensibiliser à mieux connaître leurs droits civiques et politiques. Elles s’impliquent davantage dans l’observation nationale des élections. Néanmoins, en dépit de certains efforts constatés en termes d’accréditation et de synergies avec la CENI et les autres parties prenantes, la Mission a été informée de la non-accréditation du Conseil Episcopal Justice et Paix ainsi que du retrait de l’accréditation accordée à la Concertation Nationale de la Société Civile (CNSC) le 17 février 2020.
  3. OBSERVATIONS DU JOUR DE VOTE
    1. Ouverture des bureaux de vote La MOEUA a observé le jour du scrutin 291 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire national dont 155 en milieu urbain et 136 en milieu rural. 92% d’entre eux ont ouvert à l’heure légale (7h00). Les 8% restants ont ouvert soit légèrement avant l’heure légale, soit avec un retard n’excédant pas 10 minutes, du fait de l’arrivée tardive de certains membres des bureaux de vote ou de la non réception du matériel électoral en quantité suffisante et à temps. Le personnel électoral a globalement respecté les procédures d’ouverture du scrutin conformément à la loi électorale.
    2. Matériel électoral Le matériel électoral est prescrit par l’article 76 du Code Electoral. La Mission note que dans la plupart des cas, le matériel électoral livré la veille par la CENI et les CELI était disponible à temps et en quantité suffisante dans les bureaux de vote
    3. Secret du vote La loi électorale dispose dans son article 86, que le scrutin est secret et que chaque bureau de vote est doté d’au moins un isoloir. La Mission a constaté le respect de cette disposition dans les bureaux de vote visités. Ce qui concourt à garantir le secret du vote.
    4. Vote par anticipation, procuration, dérogation et omission Le législateur reconnait et organise le vote par anticipation, procuration, dérogation et omission. Cependant, il subsiste quelques incompréhensions de la part de certains électeurs, délégués et membres de bureaux de vote qui ne maîtrisent pas toujours très bien les règles et les spécificités régissant ces différentes formes de votation.
    5. Participation électorale L’affluence du vote dans les bureaux observés a connu un pic de mobilisation dans la matinée mais le rythme a faibli dans l’après-midi.
    6. Déroulement du scrutin La participation globale a été ordonnée et calme, les électeurs ont voté dans la sérénité sans incidents majeurs. La mission a constaté que, de façon générale, les procédures de vote ont été respectées par les membres des bureaux de vote. Les délégués des candidats présents étaient en moyenne de 4 par bureau de vote. Sont représentés dans la majorité des cas : les délégués de UNIR, MPDD, ANC et PSR.
    7. Participation des femmes L’égalité homme/femme est prescrite par l’article 11 de la Constitution. La participation politique des femmes est consacrée par la Loi électorale et les instruments internationaux pertinents ratifiés par le Togo. La mission a constaté que, le jour du vote, les électrices se sont bien mobilisées. Elles représentaient 23,3% des membres des bureaux de vote observés ; 21,1% des délégués des candidats en lice et 11,31% des observateurs nationaux rencontrés dans les bureaux de vote par la Mission.
    8. Assistance aux personnes vivant avec un handicap ou vulnérables Les personnes vivant avec un handicap ou vulnérables ont été assistées au moment du vote par la personne de leur choix ou un membre du bureau de vote. Ce qui constitue une avancée en termes d’appropriation des processus électoraux et de la culture démocratique.
    9. Personnel électoral La Mission constate d’une façon générale que le personnel électoral a été formé aux procédures du vote.
    10. Délégués des candidats La MOEUA a constaté que les délégués des candidats ont pu exercer librement leur mission dans les bureaux de vote observés. Ce qui dénote un signe de maturité politique qui a contribué au fonctionnement normal des bureaux de vote.
    11. Missions d’observation électorale nationale et internationale La Mission salue avec satisfaction la contribution de Missions d’observation nationale et internationale dans le processus électoral. Ces missions concourent au renforcement des acquis démocratiques et l’Etat de Droit. Parmi les Missions nationales d’observation rencontrées, il y a : la Commission Nationale des Droits de l’Homme, le Forum Togolais de la Société Civile pour le Développement (F.T.S.C.D.), l’ONG Nouveaux Droits Humains (NDH) – Togo, le Réseau Ouest-Africain pour l’Edification de la Paix (WANEP -Togo), le CACIT et la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme. En plus de ces institutions il y a les activités de veille menées par la Cour Constitutionnelle sur le terrain le jour du scrutin. Les observateurs nationaux étaient présents dans 31% des bureaux visités. La MOEUA s’est bien déroulée dans l’ensemble. La MOEUA a rencontré sur le terrain des observateurs d’autres Missions internationales.
    12. Sécurité La Mission a constaté que la présence discrète des Forces dédiées à la Sécurisation des Elections Présidentielles (FOSEP) dans la plupart des centres de vote visités a permis une tenue sereine du scrutin.
    13. Clôture et dépouillement La Mission a constaté que 92% des bureaux de vote observés ont clôturé à l’heure légale (16h00). Les 8% restants ont accusé un retard d’environ 15 minutes. Le dépouillement et l’affichage des résultats ont été publics et conformes à la Loi électorale. La Mission a noté, quelques heures après la clôture du scrutin, l’encerclement du domicile du candidat Agbéyomè Kodjo par des éléments des forces de sécurité. Cet incident a été rapidement résolu.

CONCLUSION

La MOEUA félicite le Peuple, le Gouvernement, les acteurs politiques et l’ensemble des parties prenantes de la République Togolaise. Elle les exhorte à continuer d’œuvrer pour préserver la paix et la stabilité afin de consolider la Démocratie et l’Etat de Droit. La Mission note la proclamation des résultats provisoires par la CENI le 23 février 2020 annonçant la victoire du candidat de l’UNIR. Elle salue la bonne collaboration entre les différentes missions internationales. De même, elle salue la qualité des échanges qu’elle a eus avec les acteurs nationaux. Enfin, elle formule les recommandations suivantes : Recommandations

  • Au Gouvernement :
    • Prendre les mesures nécessaires pour une plus grande participation de la société civile dans l’ensemble du processus électoral ;
    • Assurer un meilleur encadrement de la mise en œuvre des contributions prévues par la loi au titre du financement public des campagnes des candidats.
  • A la CENI :
    • Poursuivre les interactions avec les candidats et les partis pour renforcer la confiance et l’accès au fichier électoral ;
    • Renforcer les capacités du personnel électoral.
    • Veiller à un meilleur encadrement légal des mécanismes de procuration, dérogation et omission.
  • Aux candidats / acteurs politiques :
    • Recourir aux voies légales en cas de contestation ;
    • Privilégier le dialogue politique en toutes circonstances pour pérenniser la paix sociale ;
    • Assurer une meilleure formation et représentation de leurs délégués et militants dans les bureaux de vote.
  • A la Société Civile :
    • Mutualiser les ressources en vue d'une observation optimale des processus électoraux ;
    • Poursuivre l’éducation civique et la sensibilisation citoyenne pour renforcer la participation inclusive.

Ressources

février 10, 2022

Agenda 2063 is Africa’s development blueprint to achieve inclusive and sustainable socio-economic development over a 50-year period.