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Impact de la pandémie du COVID-19 sur les élections en Afrique: Présentation devant le COREP par la Commissaire aux affaires politiques, S.E. Minata Samate Cessouma

Impact de la pandémie du COVID-19 sur les élections en Afrique: Présentation devant le COREP par la Commissaire aux affaires politiques, S.E. Minata Samate Cessouma

mai 14, 2020

Monsieur le Président du Comité des Représentants Permanent de l’Union africaine ;
Monsieur le Vice-Président de la Commission de l’Union africaine
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Représentants Permanents auprès de l’Union africaine ;
Mesdames et Monsieur les Commissaires ;
Chers collègues;
Mesdames et Messieurs ;
La maladie à coronavirus (COVID-19) secoue le monde entier et naturellement le continent africain. Elle impacte durement tous les secteurs économique, social, humanitaire, politique, etc.
Faut-il le rappeler, le coronavirus a été détecté dans la ville de Wuhan, en Chine fin de 2019. Il s'est très vite propagé dans le monde entier. C'est dans sa troisième phase que la pandémie a atteint le continent africain, avec un premier cas recensé en février 2020.

A la date d’hier, plus de 69 000 cas ont été signalés dans 54 des 55 pays africains, avec plus de 2 400 décès, selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine.

En réponse à la pandémie du COVID-19 et dans le but de stopper sa propagation et de préserver des vies, les Etats membres de notre Union ont pris différentes mesures de riposte qui touchent toutes les sphères de la société.

On peut alors s’interroger sur l’impact de la COVID 19 sur les processus électoraux. C’est en cela que je remercie le COREP pour l’occasion qui nous est donnée d’échanger sur la question dans la mesure où plusieurs pays africains se préparent à organiser des élections en Afrique ou ont déjà tenu des scrutins durant le premier trimestre de l’année 2020. Comme toutes les crises de cette nature, elle a un impact sur les agendas électoraux de nos Etats membres.

Mesdames et Messieurs,
La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, en vigueur depuis février 2012, appelle les Etats membres de l’Union africaine à tenir des élections régulières, transparentes, libres équitables et paisibles.

Au moins dix-huit (18) élections présidentielles, législatives ou encore générales sont prévues sur le continent africain, au titre de l’année 2020. Des consultations communales ou locales non répertoriées par la Commission sont prévues dans des pays du continent. Depuis le début de l’année, des élections législatives ont été organisées en Union des Comores, en Républiques du Cameroun, du Mali et de la Guinée. La République Togolaise est la seule à organiser une élection présidentielle au cours de cette période. La Commission a déployé des missions d’observation électorale (MOEUA) aux Comores, au Cameroun et au Togo. En raison, justement de la COVID-19 nous ne l’avons pas fait au Mali et en République de Guinée.

Si la situation ne s’améliore pas, je crains que nous ne soyons pas en mesure de déployer les MOEUA, et d’honorer certains programmes de formations et d’assistance technique prévus dans les pays qui organisent les élections.

S’agissant des conséquences de la pandémie de la Covid-19, elle pourrait limiter le respect des dispositions de notre Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance ainsi que des calendriers électoraux constitutionnellement définis des Etats membres de l’Union africaine. Dans les semaines à venir deux pays ont confirmé la tenue de leurs élections: générales, le 20 mai 2020, pour la République du Burundi et le 02 juillet 2020 pour la nouvelle élection présidentielle au Malawi, après l’annulation de celle de 2019, malgré les risques sanitaires encourus pour leurs populations.

Par contre, la République Fédérale Démocratique d’Ethiopie a officiellement opté pour le report de ses élections législatives. Il faut indiquer que ces confirmations de la tenue des élections ou encore leur report sont diversement appréciés par les classes politiques des pays concernés.

Au cours du dernier trimestre de l’année 2020, des élections législatives et/ou présidentielles sont prévues en Tanzanie, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Ghana, au Tchad, en Centrafrique, au Niger, aux Seychelles, en Somalie et en Egypte.

Face aux effets néfastes de la pandémie, certains de ces Etats membres ont engagé des consultations avec leur classe politique pour évaluer les risques de la situation et envisager les solutions idoines relatives à leurs processus électoraux respectifs. C’est le cas au Burkina Faso, au Niger et en République Centrafricaine.

Monsieur le Président du COREP ;
Mesdames et Messieurs.

Au regard de ce qui précède, les effets de la pandémie Covid-19 sur les processus électoraux en Afrique soulèvent certaines préoccupations parmi lesquelles nous pouvons retenir entre autres:
- Les dilemmes constitutionnels qui sont liés aux dispositions juridiques fondamentales relatives à la limitation des mandats des fonctions électives telles que la présidence, l'assemblée nationale ou les institutions gouvernementales locales. Dans les contextes où les titulaires achèvent leur dernier mandat, le report des élections pourrait remettre en cause leur légitimité et partant,
- Si une telle situation se comprend sur le plan politique, il est nécessaire de veiller à ce que toutes les décisions relatives au report ou à la tenue des élections en période de crise sanitaire soient conformes aux dispositions constitutionnelles des Etats.
- Des problèmes de légitimité peuvent surgir si les citoyens, appelés à exercer leurs droits de vote dans un contexte d'urgence sanitaire prohibitif, optent majoritairement de ne pas se rendre aux urnes. Cela affecterait considérablement le taux de participation au processus, le caractère inclusif desdites élections et la légitimité des élu(e)s.
- En outre, en raison de la pandémie, la plupart des pays ont réaffecté des ressources pour contenir la propagation du Covid-19. Cela pourrait également avoir des conséquences sur les budgets des élections. Les États membres de l'UA sont alors invités à continuer d'allouer des ressources adéquates aux organes de gestion des élections (OGE) pour leur permettre de s'acquitter de leurs missions même dans les conditions de COVID-19 sur le continent.
- Il est évident que les défis susmentionnés ont des implications sur la paix, la sécurité et la stabilité du continent. Il y a des risques de tensions et d’instabilités politiques liées aux élections qui pourraient être aggravés par les problèmes humanitaires et socio-économiques engendrés par la pandémie de la Covid-19.
Mesdames et Messieurs les Représentants Permanents,

Face à cette situation et en raison des risques pour la santé publique, et faisant suite aux recommandations de l’Organisation Mondiale pour la Santé et de notre Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), la Commission n’est pas à mesure d’accompagner pleinement ses États membres dans leurs processus électoraux comme initialement prévu. C’est ce qui explique la suspension des déploiements des missions d'observation électorale de haut niveau, de long terme et de court terme. Dans le meilleur des cas, ces missions pourraient reprendre si la pandémie est maitrisée.
Nous envisageons également de poursuivre l'assistance technique aux organes de gestion des élections à travers des vidéo-conférences.

De ce qui procède, la Commission recommande aux Etats membres :
• D’envisager des consultations avec toutes les parties prenantes en vue de trouver des solutions consensuelles si les élections doivent se tenir à date ou être reprogrammées. Les cadres légaux existent. Il conviendrait de se référer aux dispositions constitutionnelles qui prévoient les cas de force majeure en rapport avec la tenue des élections. Pour ce faire, il est important d'évaluer soigneusement les menaces de la pandémie de la Covid-19 afin de mieux hiérarchiser les interventions visant à préserver la santé publique, tout en permettant une meilleure préparation des élections, dans des conditions optimales qui préservent le caractère participatif, démocratique, paisible, crédible et inclusif de ces consultations électorales.
• Il est également nécessaire de revoir constamment les mesures prises et les solutions apportées aux effets de la pandémie, afin d’en garantir la cohérence avec les normes continentales en matière des droits de l'homme, de constitutionnalisme et de l'État de droit. Une telle révision est indispensable dans la mesure où l’on ignore le temps que durera la pandémie. Pour le moment, nul n’est à l’abri et il n’y a pas non plus de médicaments ou de vaccins, du moins à l’heure actuelle.
• Dans les cas où les élections devraient se tenir, il est essentiel de trouver des mécanismes adaptés à la situation. Je pense par exemples à des campagnes électorales uniquement à travers les médias dont les radios communautaires, sans meetings ni de regroupements. Cette campagne pourrait se faire également avec des véhicules dotés mégaphones.

Pour le moment, nos pays n’utilisent pas les votes électroniques comme dans certains grands pays. A cet égard, nous encourageons fortement les pays africains qui décident d’organiser des élections à observer les mesures barrières édictées par l’OMS et Africa CDC incluant :

• La distanciation sociale entre les électeurs et dans les bureaux de vote ;
• Le port obligatoire de masques de protection sanitaire pour les agents électoraux et les électeurs ;
• La pulvérisation des centres et bureaux de vote avant et après le vote ;
• L’installation dans chaque bureau de vote d’un point d’eau et de savon ainsi que des flacons de gel désinfectant hydro alcoolique ;
• Le nettoyage constant des tables et des isoloirs par les assesseurs portant régulièrement des gants, tout en veillant au respect du secret du scrutin ;
• Le lavage obligatoire des mains pour les électeurs avant et après le vote ;
• L’obligation faite aux électeurs de quitter les lieux immédiatement après avoir voté ;
• L’accès limité à un maximum de quelques personnes à la fois dans les salles de centralisation de résultats ; etc.

À la lumière des défis actuels imposés par la Covid-19 sur les élections en Afrique, le Département des Affaires Politiques de la Commission envisage d'organiser en fin mai 2020, une réunion consultative virtuelle des organes africains de gestion des élections, afin de réfléchir, d’échanger les expériences et d'explorer les stratégies d'organisation ou de report des élections dans un tel contexte.

La Commission de l'Union africaine, en collaboration avec le Sous-comité du COREP sur les droits de l'homme, la démocratie et la gouvernance et des partenaires, travaille à élaborer des lignes directrices au profit des États membres qui organisent des élections dans des conditions d'urgence de santé publique comme la COVID-19 et les situations de catastrophe naturelles.

Pour conclure, nous invitons les États membres à poursuivre et à renforcer les efforts de collaboration et d’échanges d’expériences, à parler d’une seule voix en vue de l'éradication du Covid-19 sur le continent.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

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