(Prononcé par Amb. Jalel Chelba, Directeur Exécutif ai d'AFRIPOL)
 

Excellences,
Monsieur le Président d'INTERPOL, Général Major Ahmed Naser Al-Raisi
Mr le Vice Ministre de la Police de la République d'Afrique du Sud, professeur Firoz Cachalia,
Mr le Secrétaire Général d’INTERPOL, Valdecy Urquiza,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité Exécutif d’INTERPOL,
Honorables chefs de délégations des services de police,
Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un plaisir de me joindre à vous aujourd'hui à Cape Town, mandaté par Son Ecxcellence le Président de la Commission de l'Union africaine pour prononcer cette allocution en son nom. Je tiens à exprimer, au nom de l'Union africaine et en mon nom personnel, notre profonde gratitude à Son Excellence le Président de la République d'Afrique du Sud, au Gouvernement et au peuple sud-africains, pour l'accueil chaleureux et la généreuse hospitalité, qui ont été réservés à la délégation de l'UA. L'Afrique du Sud est non seulement un partenaire engagé dans la promotion de la paix et de la sécurité sur le continent, mais elle incarne également un leadership fort en matière de coopération policière régionale et internationale. Votre accueil dans cette ville emblématique offre un cadre idéal pour nos échanges et renforce notre détermination commune à bâtir un avenir plus sûr pour tous.

Je tiens également à remercier le Président d’INTERPOL pour l’organisation exemplaire de cette 27eme Conférence régionale africaine . Ces réunions nous offrent toujours l'occasion de renforcer nos relations, de favoriser la coopération et de renforcer les capacités des forces de l'ordre.

Au cours de ces trois jours, nos délégués discuteront de sujets cruciaux liés au renforcement de la coopération policière en Afrique, notamment la lutte contre la criminalité transnationale organisée, le développement des capacités nationales et régionales et la coopération entre les mécanismes continentaux et internationaux tels qu’AFRIPOL et INTERPOL.

Nous traversons une période critique, nous sommes confrontés simultanément à de multiples crises : instabilité géopolitique, changement climatique et perturbations des chaînes d’approvisionnement. Ces crises sont exploitées par des réseaux criminels de plus en plus agiles, qui trouvent de nouvelles opportunités d’infiltration, de prospérité et de déstabilisation. Pendant ce temps, le crime organisé transnational continue de planifier, de cibler et de frapper, tout en devenant plus fort et interconnecté.

Les récentes opérations conjointes organisées par AFRIPOL et INTERPOL illustrent à la fois l'ampleur des menaces posées par la criminalité transnationale organisée et l'efficacité de la coopération policière internationale. Elles démontrent l'importance d'une action coordonnée pour démanteler les réseaux criminels et protéger les communautés sur tout le continent africain.

L'opération OTAPI, première opération transfrontalière d'AFRIPOL contre les marchandises illicites, s'est déroulée du 14 au 20 octobre 2024 et a impliqué six pays d'Afrique de l'Ouest et de l'Est. Elle a permis l'arrestation de 80 suspects, le sauvetage de 12 victimes de traite d'êtres humains et la saisie de drogues, de faux médicaments, d'armes, de véhicules, de faux documents de voyage et d'espèces protégées.

Les opérations HAWK (2024), Eagles' Nest (23-27 septembre 2024) et Djembé (16-20 juin 2025), toutes organisées conjointement par INTERPOL et AFRIPOL, illustrent avec éloquence la puissance de la coopération policière internationale face à la criminalité transnationale organisée. Ces opérations ont notamment permis la saisie de plus de quatre tonnes de drogue, l'arrestation de centaines de suspects, le démantèlement de réseaux criminels transfrontaliers et le sauvetage de victimes de la traite des êtres humains et du trafic de migrants. Elles ont également permis la saisie d'armes, de véhicules et de marchandises illicites d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Le terrorisme en Afrique, quant à lui, persiste et se transforme : de la région sahélo-saharienne à la Corne de l’Afrique, les groupes armés exploitent les tensions locales, s’appuient sur les revenus du crime et cherchent à étendre leur influence. Les opérations conjointes AFRIPOL-INTERPOL et régionales, telles que Neptune et Usalama, ont permis de neutraliser plusieurs cellules et de protéger des centaines de victimes, mais le défi reste immense. Pour traduire ces intentions en progrès tangibles, il serait utile d’explorer conjointement plusieurs pistes de coopération renforcée. L’une d’elles consisterait à établir un cadre commun de déconfliction entre l’Union africaine et INTERPOL pour les opérations transfrontalières prioritaires, afin de réduire les zones grises exploitées par les réseaux criminels.

Dans le même esprit, la création d'un groupe de travail spécialisé en crypto-forensique, réunissant les forces de police et les cellules de renseignement financier, permettrait d'élaborer des protocoles communs d'échange d'indicateurs et de coordination des gels d'avoirs. Nous devons institutionnaliser la jonction entre la police judiciaire, les cellules de renseignement financier et les autorités de poursuite pour traquer l'argent sale et confisquer les avoirs. Multiplions les laboratoires de preuves numériques et partageons des stratégies communes contre les rançongiciels, l'ingénierie sociale et les escroqueries aux plateformes.

Nous pourrions également œuvrer à l'élaboration d'un catalogue de formation unifié, réunissant académies nationales, écoles régionales et plateformes d'apprentissage en ligne, afin de couvrir des domaines clés tels que la cybersécurité, la lutte contre la criminalité financière et les techniques de criminalistique numérique. Ce renforcement des capacités pourrait s'accompagner du déploiement de groupes de travail régionaux sur les corridors à haut risque, tant maritimes que terrestres, avec des objectifs partagés et des indicateurs de performance communs.

Parallèlement, il serait important de définir et d'adopter des normes d'interopérabilité technique pour l'échange sécurisé d'informations entre AFRIPOL et INTERPOL, en veillant à ce que ces passerelles soient testées, auditées et pleinement fonctionnelles. Enfin, les résultats de ces initiatives devraient être institutionnalisés par le biais de normes, de doctrines et de mécanismes budgétaires durables afin d'assurer leur pérennité et leur impact. Ces propositions nécessitent un leadership conjoint, une coordination efficace du soutien des partenaires aux priorités convenues et une responsabilité partagée.

Outre le système de communication sécurisé d'INTERPOL (I-24/7) et ses bases de données, AFRIPOL a développé son propre système de communication sécurisé, AFSECOM, et ses bases de données. Une fois son règlement approuvé, ce système apportera une valeur ajoutée majeure, complétant parfaitement celui d'INTERPOL. La coopération entre INTERPOL et AFRIPOL, par l'intermédiaire de leurs représentations nationales respectives, les Bureaux centraux nationaux (BCN) et les Bureaux nationaux de liaison (BNL), est essentielle. Un document définissant les lignes directrices pour une coopération exemplaire entre les deux organisations a déjà été élaboré et, une fois approuvé, permettra d'optimiser les synergies, de simplifier les procédures et de maximiser l'efficacité des opérations conjointes.

Nous devons également souligner la responsabilité de nos pays membres, un financement durable et prévisible pour la coopération policière est essentiel. Investir dans le partage d’informations, la criminalistique, la formation et les opérations conjointes n’est pas un coût ; c’est un multiplicateur de sécurité et de confiance. L’Union africaine continuera d’apporter son soutien et sa coordination, dans le respect de la souveraineté de ses membres et de ses partenariats stratégiques. Notre efficacité opérationnelle repose sur la légitimité. L’UA soutient le renforcement des normes éthiques, la prévention des abus, la protection des victimes et des témoins, et la promotion d’une police de proximité. La technologie ne doit jamais occulter nos valeurs. Le succès se mesure aux résultats et à leur durabilité.

Excellences,
Conformément aux orientations de nos instances politiques, nous consolidons nos cadres juridiques, modernisons nos systèmes d'information sécurisés et structurons des partenariats ciblés. Notre objectif n'est pas l'autonomie d'AFRIPOL en soi, mais une capacité continentale crédible, au service des États membres, harmonieusement articulée avec INTERPOL et les organisations régionales. Cette approche intelligente de subsidiarité évite les doublons, optimise les ressources et maximise l'impact.

L’Union Africaine est plus que jamais déterminée à renforcer sa collaboration avec INTERPOL, notamment à travers AFRIPOL, afin d’optimiser le potentiel de nos services de police, de protéger nos citoyens et de consolider les fondements de la paix et de la prospérité sur le continent.

Je conclurai par une conviction simple, la sécurité est un effort collectif. Les criminels adorent nos cloisonnements et craignent nous voir agir en commun. Faisons de Cape Town le moment où nous connectons nos systèmes, uni nos efforts et accéléré notre action, avec rigueur, humanité et ambition.

Merci pour votre attention.